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Plinio Corrêa de Oliveira
Noblesse et élites traditionnelles analogues dans les allocutions de Pie XII au Patriciat et à la Noblesse romaine
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Pour faciliter la lecture, les références aux allocutions pontificales ont été simplifiées: est désigné d'abord le sigle correspondant (voir ci-dessous), puis l'année où l'allocution a été prononcée. PNR = Allocution au Patriciat et à la Noblesse romaine GNP = Allocution à la Garde noble pontificale Certains extraits des documents cités ont été soulignés en caractères gras par l'auteur. Titre original: Nobreza e elites tradicionais análogas nas Alocuções de Pio XII ao Patriciado e à Nobreza Romana (Editora Civilização, Lisboa, 1993). Traduit du portugais par Catherine Goyard 1ère édition française: Editions Albatros, 1993. Cet ouvrage a aussi été publié en italien (Marzorati Editore, Milan), en espagnol (Editorial Fernando III, Madrid) et en anglais (Hamilton Press, Lanham MD, USA).
CHAPITRE IIIPeuple et masse; Liberté et égalité: concepts véritables et concepts révolutionnaires, dans un régime démocratiqueL'enseignement de Pie XII
Avant d'aborder les allocutions de Pie XII au Patriciat et à la Noblesse romaine elles-mêmes, il convient d'épargner, à certains lecteurs influencés par le populisme radicalement égalitaire de nos jours, le choc que pourraient provoquer en eux les commentaires de ces textes; la même préoccupation concerne d'autres personnes qui — faisant partie peut-être de la noblesse ou d'autres élites traditionnelles — auraient peur que l'affirmation franche et tranquille de certaines thèses énoncées au cours de ce travail ne déclenche la colère des coryphées de ce populisme. Voilà pourquoi viennent à propos l'exposition et l'explication de la véritable doctrine catholique sur les inégalités, justes et proportionnées, dans la hiérarchie sociale comme éventuellement dans la hiérarchie politique. 1. Légitimité et nécessité d'inégalités justes et proportionnées entre les classes socialesLa doctrine marxiste de la lutte des classes affirme le caractère injuste et nocif de toutes les inégalités; la mobilisation universelle de la catégorie inférieure pour supprimer les supérieures serait donc licite: «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !» fut le cri bien connu par lequel Marx et Engels conclurent le Manifeste communiste de 1848 (1). (1) Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste, Editions sociales, Paris, 1976, p. 72. La doctrine catholique traditionnelle affirme au contraire la légitimité, et même la nécessité, d'inégalités justes et proportionnées entre les hommes (2): elle condamne par conséquent la lutte des classes. (2) Cf. Document V. Cette condamnation n'atteint évidemment pas l'engagement, ni peut-être la lutte, d'une classe visant à obtenir la reconnaissance de la position à laquelle celle-ci a droit dans le corps social, ou éventuellement dans le corps politique. Mais elle s'oppose à ce que cette attitude de défense légitime d'une classe agressée ne dégénère en guerre d'extermination des autres classes ou dans le refus de la position qui revient à chacune dans le contexte social. Le catholique doit désirer la paix et l'harmonie mutuelle entre les classes, et non une lutte chronique, surtout lorsque cette lutte cherche l'établissement d'une égalité complète et radicale. Tout cela serait mieux compris s'il y avait eu en Occident une diffusion adéquate des admirables enseignements de Pie XII sur le peuple et la masse. «Liberté, que de crimes on commet en ton nom», se serait exclamée la fameuse révolutionnaire Madame Roland, peu avant d'être guillotinée, sous la Terreur (3). (3) J. TULARD, J.F. FAYARD et A. FIERRO, Histoire et Dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, Robert Laffont, Paris, 1987, p. 362. En regardant l'histoire de ce XXe siècle si troublé, on pourrait s'écrier de façon analogue: «Peuple, peuple, que de folies, que d'injustices, que de crimes sont commis en ton nom par les démagogues révolutionnaires contemporains.» C'est vrai, l'Eglise aime le peuple et se glorifie de l'avoir spécialement aimé, dès le premier instant où Elle fut instituée par le Divin Maître. Mais qu'est-ce que le peuple? Tout autre chose qu'une masse; oui, de cette masse agitée comme mer en révolte, proie facile de la démagogie révolutionnaire. A ces masses, l'Eglise qui est mère ne refuse pas non plus son amour. Mais c'est précisément parce qu'Elle les aime, qu'Elle désire comme un bien précieux qu'on les aide à passer de la condition de masse à celle de peuple. Tout cela n'est-il qu'un simple jeu de mots? Qu'est-ce que la masse? Qu'est-ce que le peuple? 2. Peuple et multitude amorphe: concepts distinctsLes admirables enseignements de Pie XII le disent fort bien. Ils décrivent avec clarté la concorde naturelle qui peut et doit exister entre les élites et le peuple, contrairement à ce qu'affirment les prophètes de la lutte des classes. Dans son message radiodiffusé de Noël 1944, Pie XII déclare (4):
(4) Les numéros qui divisent les divers passages chargés d'établir la distinction entre masse et peuple sont de l'auteur. Est également de l'auteur la formation en différents paragraphes autonomes, cela pour faciliter l'analyse du lecteur. 3. Les inégalités dérivant de la nature ne constituent nullement un obstacle pour une démocratie véritableLe Pape distingue tout de suite la véritable démocratie de la fausse: la première est corollaire de l'existence d'un véritable peuple; la seconde, en revanche, conséquence de la réduction d'un peuple à la condition de simple masse humaine:
Cette définition de la véritable et légitime «égalité civile», ainsi que des concepts corrélatifs de «fraternité» et «communauté» mentionnés dans le même paragraphe, éclaire, avec une grande richesse de pensée et propriété d'expression, ce que sont, selon la doctrine catholique, les véritables «égalité», «fraternité» et «communauté». Dans ce sens, l'«égalité» et la «fraternité» sont donc radicalement opposées à celles qu'au XVIe siècle, les sectes protestantes instaurèrent à plus ou moins grande échelle, dans leurs structures ecclésiastiques respectives; opposées aussi à la trilogie tristement célèbre que la Révolution française et ses adeptes dans le monde entier implantèrent comme devise de l'ordre civil et de l'ordre social, et que la révolution communiste de 1917 étendit enfin à l'ordre socio-économique (5). (5) Cf. Plinio Corrêa de Oliveira, Révolution et Contre-Révolution, Editions Catolicismo, Campos, 1960, 1re Partie, Chapitre III n° 5, B, C et D. Voir aussi l’Appendice II de cet ouvrage. Cette observation est particulièrement importante car, dans le langage courant des conversations comme des médias, ces mots sont utilisés en général dans leur sens erroné et révolutionnaire. 4. Dans une démocratie détériorée, la liberté dégénère en tyrannie et l'égalité en nivellement mécaniqueAprès avoir défini la véritable démocratie, Pie XII décrit la fausse:
(6) Discorsi e Radiomessaggi di Sua Santità Pio XII, Tipografia Poliglotta Vaticana, vol. VI, p. 239-240. C'est sur les principes de ce message radiodiffusé de Noël 1944 que se base une grande partie des enseignements adressés par Pie XII au Patriciat et à la Noblesse romaine, ainsi qu'à la Garde Noble pontificale. Après cette description si objective du Pape, il reste évident qu'encore aujourd'hui, dans un Etat bien ordonné, qu'il soit monarchique, aristocratique ou même démocratique, une haute et indispensable mission échoit à la noblesse et aux élites traditionnelles. C'est ce qui sera analysé à présent.
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