Regina Pacis

La Reine de la Paix

« Legionário », São Paulo, 13 mai 1945

Par Plinio Corrêa de Oliveira

 

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Notre Dame à Fatima

Ce n’est pas sans un dessein de la Providence que la paix a été signée précisément au mois de mai, consacré par la piété universelle à la Bienheureuse Vierge Marie, et cela quelque temps après que le Saint-Père avait recommandé l’intercession de la glorieuse Mère de Dieu pour obtenir la paix.

Cette guerre fut avant tout une lutte idéologique, par laquelle on tenta de contraindre l’opinion catholique au terrible dilemme de choisir l’un des deux bras de la tenaille dans laquelle elle se trouvait : soit le nazisme, soit le communisme. La Sainte Vierge, qui a “écrasé toutes les hérésies du monde”, a voulu que l’un des deux bras soit brisé au cours du mois de Marie : le nazisme est mort. Nous devons maintenant lui demander de briser aussi l’autre, c’est-à-dire d’écraser le communisme.

Qu’on ne croît pas, à cet égard, que la paix de cette glorieuse reine soit la paix du marais. C’est la paix du ciel, qui brille dans toute sa splendeur, tandis qu’en enfer le mal, lié et écrasé, souffre des tourments éternels. C’est pourquoi la Reine de la Paix est par excellence la Reine de la Victoire, qui conduit le troupeau du Christ au triomphe au milieu de terribles luttes.

Ces combats opposent les enfants de Marie aux enfants du serpent, séparés les uns des autres par une inimitié inébranlable. C’est à propos de cette inimitié que le bienheureux [maintenant saint, n.d.t.] Grignion de Montfort a écrit :

« Inimicitias ponam inter te et mulierem, et semen tuum et semen illius; ipsa conteret caput tuum, et tu insidiaberis calcaneo ejus (Gn 3,15): Je mettrai des inimitiés entre toi et la femme, et ta race et la sienne; elle-même t’écrasera la tête, et tu mettras des embûches à son talon.

  1. Jamais Dieu n’a fait et formé qu’une inimitié, mais irréconciliable, qui durera et augmentera même jusques à la fin : c’est entre Marie, sa digne Mère, et le diable, entre les enfants et serviteurs de la Sainte Vierge, et les enfants et suppôts de Lucifer ; en sorte que la plus terrible des ennemies que Dieu ait faite contre le diable est Marie, sa sainte Mère.

Il lui a même donné, dès le paradis terrestre, quoiqu’elle ne fût encore que dans son idée, tant de haine contre ce maudit ennemi de Dieu, tant d’industrie pour découvrir la malice de cet ancien serpent, tant de force pour vaincre, terrasser et écraser cet orgueilleux impie, qu’il l’appréhende plus, non seulement que tous les anges et les hommes, mais, en un sens, que Dieu même. Ce n’est pas que l’ire, la haine et la puissance de Dieu ne soient infiniment plus grandes que celles de la Sainte Vierge, puisque les perfections de Marie sont limitées ; mais c’est premièrement parce que Satan, étant orgueilleux, souffre infiniment plus d’être vaincu et puni par une petite et humble servante de Dieu, et son humilité l’humilie plus que le pouvoir divin; secondement parce que Dieu a donné à Marie un si grand pouvoir contre les diables, qu’ils craignent plus, comme ils ont été souvent obligés d’avouer, malgré eux, par la bouche des possédés, un seul de ses soupirs pour quelque âme, que les prières de tous les saints, et une seule de ses menaces contre eux que tous leurs autres tourments.

  1. Ce que Lucifer a perdu par orgueil, Marie l’a gagné par humilité ; ce qu’Eve a damné et perdu par désobéissance, Marie l’a sauvé par obéissance. Eve, en obéissant au serpent, a perdu tous ses enfants avec elle, et les lui a livrés ; Marie, s’étant rendue parfaitement fidèle à Dieu, a sauvé tous ses enfants et serviteurs avec elle, et les a consacrés à sa Majesté.
  2. Non seulement Dieu a mis une inimitié, mais des inimitiés, non seulement entre Marie et le démon, mais entre la race de la Sainte Vierge et la race du démon ; c’est-à-dire que Dieu a mis des inimitiés, des antipathies et haines secrètes entres les vrais enfants et serviteurs de la Sainte Vierge et les enfants et esclaves du diable ; ils ne s’aiment point mutuellement, ils n’ont point de correspondance intérieure les uns avec les autres. Les enfants de Bélial, les esclaves de Satan, les amis du monde (car c’est la même chose), ont toujours persécuté jusqu’ici et persécuteront plus que jamais ceux et celles qui appartiennent à la Très Sainte Vierge, comme autrefois Caïn persécuta son frère Abel, et Esaü son frère Jacob, qui sont les figures des réprouvés et des prédestinés. Mais l’humble Marie aura toujours la victoire sur cet orgueilleux, et si grande qu’elle ira jusqu’à lui écraser la tête où réside son orgueil ; elle découvrira toujours ses mines infernales, elle dissipera ses conseils diaboliques, et garantira jusqu’à la fin des temps ses fidèles serviteurs de sa patte cruelle. Mais le pouvoir de Marie sur tous les diables éclatera particulièrement dans les derniers temps, où Satan mettra des embûches à son talon, c’est-à-dire à ses humbles esclaves et à ses pauvres enfants qu’elle suscitera pour lui faire la guerre. Ils seront petits et pauvres selon le monde, et abaissés devant tous comme le talon, foulés et persécutés comme le talon l’est à l’égard des autres membres du corps ; mais, en échange, ils seront riches en grâce de Dieu, que Marie leur distribuera abondamment; grands et relevés en sainteté devant Dieu, supérieurs à toute créature par leur zèle animé, et si fortement appuyés du secours divin, qu’avec l’humilité de leur talon, en union de Marie, ils écraseront la tête du diable et feront triompher Jésus-Christ.
  1. Enfin Dieu veut que sa sainte Mère soit à présent plus connue, plus aimée, plus honorée que jamais elle n’a été. (…).
  2. Mais qui seront ces serviteurs, esclaves et enfants de Marie ? Ce seront un feu brûlant, ministres du Seigneur qui mettront le feu de l’amour divin partout.

Ce seront sicut sagittae in manu potentis, des flèches aiguës dans la main de la puissante Marie pour percer ses ennemis.

Ce seront des enfants de Lévi, bien purifiés par le feu de grandes tribulations et bien collés à Dieu, qui porteront l’or de l’amour divin dans le cœur, l’encens de l’oraison dans l’esprit et la myrrhe de la mortification dans le corps, et qui seront partout la bonne odeur de Jésus-Christ aux pauvres et aux petits, tandis qu’ils seront une odeur de mort aux grands, aux riches et orgueilleux mondains.

  1. Ce seront des nues tonnantes et volantes par les airs au moindre souffle du Saint-Esprit, qui, sans s’attacher à rien, ni s’étonner de rien, ni se mettre en peine de rien, répandront la pluie de la parole de Dieu et de la vie éternelle ; ils tonneront contre le péché, ils gronderont contre le monde, ils frapperont le diable et ses suppôts, et ils perceront d’outre en outre, pour la vie ou pour la mort, avec leur glaive à deux tranchants de la parole de Dieu, tous ceux auxquels ils seront envoyés de la part du Très-Haut.
  2. Ce seront des apôtres véritables des derniers temps, à qui le Seigneur des vertus donnera la parole et la force pour opérer des merveilles et remporter des dépouilles glorieuses sur ses ennemis ; ils dormiront sans or ni argent et, qui plus est, sans soin, au milieu des autres prêtres, et ecclésiastiques et clercs, inter medios cleros ; et cependant auront les ailes argentées de la colombe, pour aller avec la pure intention de la gloire de Dieu et du salut des âmes, où le Saint-Esprit les appellera, et ils ne laisseront après eux, dans les lieux où ils auront prêché, que l’or de la charité qui est l’accomplissement de toute la loi.
  3. Enfin, nous savons que ce seront de vrais disciples de Jésus-Christ, qui marchant sur les traces de sa pauvreté, humilité, mépris du monde et charité, enseignant la voie étroite de Dieu dans la pure vérité, selon le saint Evangile, et non selon les maximes du monde, sans se mettre en peine ni faire acception de personne, sans épargner, écouter ni craindre aucun mortel, quelque puissant qu’ils soit. Ils auront dans leur bouche le glaive à deux tranchants de la parole de Dieu ; ils porteront sur leurs épaules l’étendard ensanglanté de la Croix, le crucifix dans la main droite, le chapelet dans la gauche, les sacrés noms de Jésus et de Marie sur leur cœur, et la modestie et mortification de Jésus-Christ dans toute leur conduite.

Voilà de grands hommes qui viendront, mais que Marie fera par ordre du Très-Haut, pour étendre son empire sur celui des impies, idolâtres et mahométans. Mais quand et comment cela sera-t-il ?… Dieu seul le sait : c’est à nous de nous taire, de prier, soupirer et attendre : Expectans expectavi – j’ai espéré : j’ai espéré dans le Seigneur” (Ps 40, 2). (Cf. Traité de la vraie dévotion à Marie, première partie, chapitre III).

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