par Plinio Corrêa de Oliveira
Catolicismo nº 86 – Février 1958, extraits (*)
Cet article, écrit à l’occasion du centenaire des apparitions de la Sainte Vierge à Lourdes, a été publié par ‘Catolicismo’, revue rassemblant autour d’elle ceux qui constituèrent plus tard la TFP brésilienne sous la direction du professeur Plinio Corrêa de Oliveira, de renommée mondiale.
Dans ces lignes, le penseur et homme d’action catholique analyse la mission de Marie dans la restauration de la Civilisation Chrétienne et la défaite de la Révolution – ce mot pris comme il le définit dans son œuvre magistrale Révolution et Contre-révolution, c’est-à-dire comme le processus multiséculaire par lequel le monde occidental s’éloigne des principes chrétiens.
Ses commentaires sur le malaise de l’humanité à cause du péché, et sur le désir profond d’un autre ordre des choses, sont en relation étroite avec la troisième partie du Secret de Fatima.
Après avoir évoqué la proclamation des dogmes de l’Immaculée Conception et de l’Infaillibilité papale, ainsi que l’action de saint Pie X en faveur de la communion fréquente, le professeur Plinio Corrêa de Oliveira écrit :
L’ennemi plus fort que jamais
Qu’en est-il de la lutte de l’Église contre ses ennemis externes ? Ne semble-t-il pas que l’ennemi est plus fort que jamais et que nous nous approchons de cette ère, rêvée par les illuministes il y a tant de siècles, d’un naturalisme scientifique, brut et intégral, dominé par la technique matérialiste ; d’une république universelle férocement égalitaire, d’inspiration plus ou moins philanthropique et humanitaire d’où serait banni tout reste de religion surnaturelle ? N’est-ce pas là le communisme, n’est-ce pas là le dangereux glissement de la société occidentale, qui se prétend anticommuniste mais qui, au fond, chemine aussi vers la réalisation de cet « idéal » ?
Le monde entier gémit dans les ténèbres et la douleur
Oui. Et ce danger est plus proche qu’on ne le croit généralement. Mais personne ne remarque un fait primordial.
Pendant que le monde se fait modeler pour la réalisation de ce sinistre dessein, un malaise profond, immense, indescriptible l’envahit.
C’est un malaise souvent inconscient, qui se présente de façon vague et indéfinie même lorsqu’il est conscient, mais que personne n’oserait contester. On dirait que l’humanité entière souffre violence, qu’elle est placée dans un moule qui ne convient pas à sa nature, et que toutes ses fibres saines se tordent et résistent.
Il y a un immense désir d’une autre chose, encore inconnue. C’est un fait nouveau – peut-être pour la première fois depuis qu’a commencé, au XVe siècle, le déclin de la civilisation chrétienne – le monde entier gémit dans les ténèbres et la douleur, précisément comme le fils prodigue au dernier degré de la honte et de la misère, loin du foyer paternel.
Au moment où l’iniquité semble triompher, il y a quelque chose de frustré dans sa victoire apparente.
L’expérience nous montre que c’est de mécontentements semblables que naissent les grandes surprises de l’histoire. À mesure que la convulsion s’accentue, le malaise lui aussi s’accentue. Qui saurait dire quels sursauts magnifiques peuvent en résulter ?
Au bout du péché et de la douleur, il y a, souvent, l’heure de la miséricorde divine pour le pécheur… Or, ce malaise sain et prometteur est, à mon avis, un fruit de la résurrection de la fibre catholique provoquée par les grands événements énumérés plus haut, résurrection qui répercute favorablement sur ce qui existe encore de vie et de santé dans toutes les aires culturelles du monde.
La grande conversion
Le fils prodigue médita sur la situation misérable dans laquelle il était tombé et sur la laideur des fautes qui l’avaient mené hors de la maison paternelle ; alors, son esprit étouffé par le vice acquit une nouvelle lucidité, sa volonté une nouvelle vigueur : ce fut sans aucun doute un grand moment dans sa vie.
Touché par la grâce, il se trouva, plus que jamais, devant une alternative considérable : ou bien se repentir et revenir, ou bien s’obstiner dans l’erreur et en accepter les conséquences jusqu’à leur fin tragique.
Tout ce qu’une éducation droite avait semé de bon en lui renaissait merveilleusement à cet instant providentiel ; tandis que, par ailleurs, la tyrannie de ses mauvaises habitudes s’appesantissait peut-être plus terriblement que jamais. Un combat interne eut lieu. Il choisit le bien. Et le reste de l’histoire, nous le connaissons par l’Évangile.
Ne sommes-nous pas proches d’un tel moment ?
L’enseignement de Lourdes
Le futur n’appartient qu’à Dieu. Les hommes ne peuvent licitement que faire des conjectures, en suivant les règles de la vraisemblance.
Nous vivons à l’heure terrible du châtiment. Mais il peut aussi s’agir de l’heure admirable de la miséricorde.
La condition pour cela est que nous regardions vers Marie, l’Étoile de la mer, qui nous guide au milieu des tempêtes.
Pendant [plus de] cent ans, la Sainte Vierge, mue de compassion envers l’humanité pécheresse, a obtenu des miracles merveilleux. Cette pitié peut-elle s’éteindre ? La miséricorde d’une Mère, et de la meilleure des mères, peut-elle avoir une limite ? Qui oserait l’affirmer ?
Si quelqu’un en doutait, Lourdes lui servirait d’admirable leçon de confiance.
La Sainte Vierge va nous secourir.
Lourdes et Fatima
« Va nous secourir ».
Expression vraie et fausse à la fois. En réalité, Elle a déjà commencé à nous secourir.
La définition des dogmes de l’Immaculée Conception et de l’Infaillibilité pontificale, la rénovation de la piété eucharistique, ont leur prolongement dans les brillantes manifestations mariales qui ont accompagné les pontificats suivant celui de saint Pie X.
La Sainte Vierge est apparue à Fatima, sous Benoît XV.
C’est précisément le jour où Pie XII était sacré évêque, le 13 mai 1917, qu’eut lieu la première apparition. Sous Pie XI, le message de Fatima s’est répandu avec douceur et assurance par toute la Terre.
En cette même occasion, le 75e anniversaire des apparitions de Lourdes a été fêté par le Souverain Pontife avec une allégresse particulière, celui qui était alors le cardinal Pacelli ayant été délégué pour le représenter. Le pontificat de Pie XII s’immortalisa par la définition du dogme de l’Assomption et par le couronnement de Marie comme Reine du Monde.
Le nonce apostolique au Brésil, qui devint par la suite cardinal, Benedetto Aloisi Masella, tenant en main le “Legionario”, dont le directeur était le Pr Plinio Corrêa de Oliveira, à cet époque (1933-1947)
Sous ce pontificat, son Excellence le cardinal Masella, si cher au cœur des Brésiliens, couronna la statue de la Vierge de Fatima au nom du Pape Pie XII. Voilà autant de lumières qui, de la grotte de Massabielle à la Cova da Iria, forment un fil lumineux.
Le Règne du Cœur Immaculé de Marie
Et cet article s’arrête à Fatima.
La Sainte Vierge a décrit parfaitement, dans ses apparitions, l’alternative.
Ou bien nous nous convertissons, ou bien s’abattra un terrible châtiment.
Mais à la fin, le règne du Cœur Immaculé s’établira sur le monde.
En d’autres termes : de toutes façons, avec plus ou moins de souffrances pour les hommes, le Cœur Immaculé de Marie va triompher.
Ce qui veut dire enfin que, selon le message de Fatima, le pouvoir de l’impiété a ses jours comptés.
La définition du dogme de l’Immaculée Conception est le début d’une succession de faits qui conduit au Royaume de Marie.
(*) Cet article, écrit à l’occasion du centenaire des apparitions de la Sainte Vierge à Lourdes, a été publié par ‘Catolicismo’, revue rassemblant autour d’elle ceux qui constituèrent plus tard la TFP brésilienne sous la direction du professeur Plinio Corrêa de Oliveira. – FATIMA, Message de tragédie ou d’espérance ?, Antonio A. Borelli, Société française pour la défense de la Tradition, Famille et Propriété – TFP, 2001, pages 103-107.