PRÉFACE de S.A.I.R. le Prince Dom Pedro Henrique de Orléans e Bragança à Révolution et Contre-Révolution (1960)

Éditions « Catolicismo », Campos (Rio de Janeiro), 11 février 1960

 

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La chute de la monarchie brésilienne en 1889, obligea mon arrière-grand-père, l’Empereur Dom Pedro II à prendre le chemin de l’exil avec toute sa famille. Après un court séjour au Portugal, où il eut la douleur de perdre sa femme, l’Impératrice Dona Thereza Christina, Dom Pedro s’installa à Paris en compagnie de sa fille, la Princesse Isabellehéritière de la couronne, de son gendre le Comte d’Eu et des trois fils de ces derniers. Gaston d’Orléans, Comte d’Eu, fils aîné du Duc de Nemours, prince français de naissance et de cœur, époux de l’héritière du trône du Brésil, s’était attaché profondément à sa patrie d’adoption qu’il servit avec tout son cœur et tout son courage. Son rôle dans la guerre entre le Brésil et le Paraguay fut prépondérant. La victoire finale remportée par l’héroïque armée impériale, dont il était le général en chef, fut, dans une large mesure, le fruit de sa clairvoyance, de sa bravoure et de ses qualités de militaire accompli.

Mon père, le Prince Louis, né à Petrópolis en 1878, avait douze ans lorsque avec ses parents il quitta le Brésil. Il fit ses études à Paris, à la rue des Postes, et passa presque toute son existence en France, la loi d’exil ne lui permettant pas de résider en son pays natal qu’il chérissait tant. Il trouva en la France, terre de Saint Louis duquel il descendait en ligne masculine, sa seconde patrie, à laquelle il s’attacha profondément tout en conservant sa nationalité brésilienne. Il y retrouva toutes les traditions de sa famille. Lors de la première guerre mondiale, quand le Brésil et la France luttèrent côte à côte contre l’Allemagne, ne pouvant servir ni dans l’excellente armée brésilienne, ni dans la glorieuse armée française, il endossa l’uniforme anglais, et, prenant une part active aux opérations, se distingua par son courage et les innombrables services qu’il rendit comme officier de liaison, à l’armée française et à l’armée anglaise. Il mourut peu après le rétablissement de la paix, des suites d’une maladie contractée dans les tranchées de l’Yser, ayant rempli son devoir envers sa patrie lointaine, et payé le tribut de son amour ardent pour le pays des fleurs de lys.

Mon père me légua cet amour pour la France, où j’ai vécu de longues années, ne l’ayant quittée qu’après la révocation de la loi d’exil qui pesait sur la famille impériale. Je dois dire que c’est avec un sentiment d’indicible émotion qu’en 1922 je foulais pour la première fois le sol de ma patrie merveilleuse, où je devais me fixer plus tard pour la mieux servir, dans son progrès constant, en m’efforçant d’y maintenir l’influence si nécessaire des valeurs chrétiennes, d’ordre moral et historique que je représente en ma qualité de dépositaire des traditions de l’Empire brésilien.

C’est de ma patrie qu’aujourd’hui je pense à la France, à tout ce que je lui dois, à tout ce qu’elle m’a si généreusement donné. C’est d’ici qu’aujourd’hui je souffre avec elle, lorsqu’elle souffre et que je me réjouis lorsqu’un événement heureux la fait se réjouir. Je pense à son glorieux passé, à sa glorieuse tradition de fille aînée de l’Eglise, à tout ce qu’elle représente pour le monde chrétien, à tout ce que le monde chrétien attend encore d’elle.

Que la traduction de l’essai sur la Révolution et la Contre-Révolution” qu’en ce jour j’offre à la France soit le témoignage de mon affection et de ma reconnaissance envers elle.

L’auteur de cet essai, le Prof. Plinio Corrêa de Oliveira, est l’un des plus éminents penseurs catholiques de l’heure actuelle. Titulaire de la chaire d’Histoire Moderne et Contemporaine de l’Université Pontificale de São Paulo, ancien député fédéral élu par la Ligue Electorale Catholique, il appartient à l’une des plus illustres familles de l’aristocratie rurale brésilienne, qui, au cours de notre histoire, s’est toujours mise au premier plan par la valeur et le patriotisme des hommes qu’elle a donnés à son pays. Parmi ceux-ci l’on peut citer le Conseiller João Alfredo Corrêa de Oliveira, Président du Conseil des Ministres, auteur de la loi de l’abolition de l’esclavage au Brésil, que ma grand-mère, la Princesse Isabelle, signa, lorsqu’en l’absence de son père, elle exerçait la régence de l’Empire.

Plinio Corrêa de Oliveira, ayant une parfaite connaissance des documents pontificaux, publia en 1943 un livre dont le titre est “En Défense de l’Action Catholique“. Cet ouvrage a valu à son auteur les plus grands éloges du Pape Pie XII. Ceux-ci lui furent exprimés dans une lettre que l’actuel Cardinal Montini, alors Substitut de la Sécretairerie d’Etat, lui adressa.

Il semble que la situation extrêmement grave dans laquelle se trouve la civilisation chrétienne, en France, comme sans doute dans tout l’Occident, est due au fait que ceux qui luttent contre la Révolution n’ont pas toujours une vision profonde, organique et structurée de la nature de celle-ci. Il en résulte une dispersion d’efforts incontestablement très méritoires en des champs d’action secondaires, sans liaison entre eux, ce qui engendre des malentendus et des heurts.

Profond connaisseur d’auteurs tels que Joseph de Maistre, de Bonald, Louis Veuillot et Donoso Cortés, le Prof. Plinio Corrêa de Oliveira nous présente la Révolution sous son aspect essentiellement antichrétien, dans son unité au travers de la Pseudo-Réforme, de la Révolution française et enfin du communisme. Il étudie le caractère de phénomène universel qu’elle représente par son extension géographique et par son influence profonde dans tous les domaines de l’activité humaine, et insiste sur son aspect fondamentalement antichrétien et amoral. Après cet aperçu, il trace un schéma extrêmement clair et vigoureux de la Contre-Révolution, par lequel détruit entièrement une affirmation si chère aux “crypto-révolutionnaires” actuels, qui prétendent qu’on ne peut lutter en faveur de la Contre-Révolution sans provoquer des à-coups et des choques aussi violents et douloureux que ceux que la Révolution elle-même a engendrés.

Cet essai a le mérite d’enrichir par de nouveaux aperçus doctrinaux très importants le sujet qui fut déjà traité dans le passé par d’autres auteurs. De plus, il actualise l’étude de la Révolution et de la Contre-Révolution par l’analyse de plusieurs problèmes qui sont nés au cours de ce dernier quart de siècle, c’est à dire entre le déclin du premier après-guerre et les faits les plus récents de nos jours. C’est donc à juste titre que Mgr Antonio de Castro Mayer, Evêque de Campos, l’un des meilleurs théologiens du Brésil a dit que la présente étude doit être considérée comme un événement dans le domaine de la culture catholique contemporaine.

Révolution et Contre-Révolution” n’est pas uniquement la manifestation d’une pensée individuelle. Elle est, avec la Lettre Pastorale sur les Problèmes de l’Apostolat Moderne de Dom Antonio de Castro Mayer, l’expression de la pensée de “Catolicismo”, journal culturel publié à Campos, dans l’Etat de Rio de Janeiro, autour duquel se groupe une pléiade d’écrivains, de penseurs, et d’hommes d’action, dont l’idéal, en fidèles serviteurs qu’ils sont de Notre Sainte Mère l’Eglise, est la lutte contre la Révolution sur le terrain des principes et de l’art. L’influence croissante de cette pléiade est l’un des faits marquants de l’actualité brésilienne.

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Révolution et Contre-Révolution“, publié pour la première fois dans le numéro 100 de “Catolicismo”, d’Avril 1959, a été édité en Espagne en cette même année (Ediciones Cristiandad, Barcelona). Pour répondre au désir légitime de nouveaux groupes de lecteurs, “Catolicismo” publie à présent une traduction française.

Sachant et admirant tout ce qui se fait en France dans le combat idéologique contre la Révolution, je suis persuadé que la contribution de l’éminent penseur brésilien, qu’est Plinio Corrêa de Oliveira, y sera bien reçu et y prendra une place d’honneur.

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