L’immobilité mobile du chaos

Service de presse de la TFP brésilienne, São Paulo, 12 avril 1993

Par Plinio Corrêa de Oliveira

 

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Tour de Babel par Pieter Bruegel le Vieux (1563) – Wikipédie

S’il existe un dénominateur commun à la vie publique et privée de tant de nations aujourd’hui, c’est bien le chaos. Les perspectives chaotiques semblent se répéter et, de plus en plus, nous voyageons sur les chemins du chaos et personne ne sait exactement où nous arriverons.
Les forces énigmatiques du chaos produisent des explosions, des éruptions qui donnent l’impression que le monde va se fissurer. Les optimistes, les idiots – le lecteur me pardonne le pléonasme – n’ont pas très peur, car ils pensent que « tout redeviendra comme avant dans la caserne d’Abrantes », selon l’expression portugaise. Ceux qui se considèrent comme clairvoyants s’alarment, pensant que le monde va bientôt « basculer ». Mais ils se trompent aussi, car « plus ça change, plus c’est la même chose » …
En fait, le processus chaotique auquel nous assistons et que nous subissons, pour ainsi dire, évolue dans l’immobilité. Des désaccords éclatent ici et ailleurs, des situations tellement tendues et critiques qu’on pourrait croire qu’une guerre mondiale va éclater quelque part à tout moment. Mais dans ce tourbillon de chaos, les situations finissent par s’immobiliser.
Or, c’est précisément cette immobilité fixe de la mobilité continue, des situations qui ne s’améliorent ni ne s’aggravent, qui est le drame dans lequel un nombre croissant de pays sont plongés.
C’est une sorte de sida psychosocial qui se répand dans le monde : cette maladie ne tue pas, mais affaiblit tout ce qu’il y a de sain et d’organique dans les nations.
Apeuré devant la multiplication des catastrophes et des ruines morales et matérielles, l’homme d’aujourd’hui se contente de se lamenter : « La bagarre est la règle de vie et tout le monde doit s’y soumettre. Tout se casse et rien n’a de sens. Les choses ne veulent plus rien dire !”
Du fond de ce panorama, le message suivant semble être projeté : « Il faut s’habituer et se rendre compte que plus rien n’a de raison d’être ! La raison humaine s’est éteinte et plus rien ne pourra raisonnablement se produire, jamais ! Mais on ne vous le dira pas explicitement : les événements du monde deviendront de plus en plus absurdes et déraisonnables. Et tout le monde se fera à l’idée que l’absurde a pris le sceptre du monde !”
Tel semble être le message actuel des faits : « Raison humaine, retire-toi ! Pensée humaine, tais-toi ! Homme, ne réfléchis plus, et comme un animal, laisse-toi porter par les événements…”
Et du fond de cet abîme, il est possible aux catholiques de discerner les lueurs trompeuses, le chant à la fois sinistre et attirant, émollient et délirant, de cet être abject qui est, pour ainsi dire, la personnification de l’illogisme, de l’absurde, de la révolte insensée et haineuse contre l’Omnipotent qui sait tout : le diable. Père du mal, de l’erreur et du mensonge, il gémit et se désespère en lançant son éternel et infâme cri de révolte : « Non serviam » – je ne servirai pas !
Telles sont les perspectives dont les théologiens peuvent et doivent discuter. Les vrais théologiens, bien sûr, c’est-à-dire ceux, peu nombreux, qui croient encore à l’existence du diable et de l’enfer.

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