Le Sacré-Cœur de Jésus

Par Plinio Corrêa de Oliveira

Legionário, São Paulo, N.º 458, 22 juin 1941

 

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Basilique Sainte-Marie-des-Anges (Porziuncola), Assise, Italie (photo Roberto Bertogna)

Les Papes ont recommandé avec insistance à l’humanité d’intensifier le culte qu’elle rend au Sacré-Cœur de Jésus afin que, lorsque l’homme sera régénéré par la grâce de Dieu et comprendra que Dieu doit être le centre de ses affections, cette tranquillité de l’ordre puisse à nouveau régner dans le monde, dont nous nous éloignons de plus en plus à mesure que le monde sombre dans l’anarchie.

Un journal catholique ne pouvait donc pas passer sous silence la fête du Sacré-Cœur qui s’est déroulée il y a quelques jours. Il ne s’agit pas seulement d’un devoir de piété imposé par l’ordre même des choses, mais d’un devoir que la tragédie contemporaine rend plus tragiquement urgent.

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Il n’est personne qui ne soit alarmé par les extrêmes de la cruauté que l’homme contemporain peut atteindre. Cette cruauté ne se manifeste pas seulement sur les champs de bataille. Elle se manifeste à chaque étape, dans les petits et grands incidents de la vie quotidienne, par la dureté et la froideur extraordinaires avec lesquelles la plupart des gens traitent leurs semblables.

Les mères dont l’amour pour leurs enfants diminue d’intensité ; les maris qui jettent l’opprobre sur toute une famille dans le seul but de satisfaire leurs instincts et leurs passions ; les enfants qui, indifférents à la misère ou à l’abandon moral dans lequel ils laissent leurs parents, se consacrent entièrement à la jouissance des plaisirs de cette vie ; les professionnels qui s’enrichissent aux dépens de leurs voisins, font souvent preuve d’une cruauté froide et calculée qui suscite beaucoup plus d’horreur que les extrêmes de la rage auxquels la guerre peut entraîner les combattants.

En effet, si les actes de cruauté peuvent être plus facilement jugés en temps de guerre, ceux qui les commettent ont, sinon l’excuse, du moins l’atténuation d’être poussés par la violence du combat. Mais ce qui se trame et s’exécute dans la tranquillité de la vie quotidienne ne peut souvent bénéficier de la même atténuation. Et cela est d’autant plus vrai lorsqu’il ne s’agit pas d’actions isolées, mais d’habitudes invétérées qui multiplient indéfiniment les mauvaises actions.

La guerre, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, est un indice de cruauté, mais elle est loin d’être la seule manifestation de la dureté morale contemporaine.

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Qui dit cruauté dit égoïsme. L’homme ne nuit à son prochain que par égoïsme, parce qu’il veut bénéficier d’avantages auxquels il n’a pas droit. Le seul moyen d’éliminer la cruauté est donc d’éliminer l’égoïsme.

La théologie nous enseigne que l’homme ne peut être capable d’une véritable et complète abnégation que si son amour pour son prochain est fondé sur l’amour de Dieu. En dehors de Dieu, il n’y a pas de stabilité ni d’accomplissement pour les affections humaines. Ou bien l’homme aime Dieu au point de s’oublier lui-même, et alors il saura vraiment aimer son prochain ; ou bien l’homme s’aime lui-même au point d’oublier Dieu, et alors l’égoïsme tend à le dominer complètement.

Ce n’est donc qu’en augmentant l’amour de Dieu chez l’homme que l’on peut parvenir à une compréhension profonde de son devoir envers son prochain. Lutter contre l’égoïsme est une tâche qui implique nécessairement « d’élargir les espaces de l’amour de Dieu », selon la belle expression de saint Augustin.

La fête du Sacré-Cœur de Jésus est, par excellence, la fête de l’amour de Dieu. À cette occasion, l’Église nous propose comme sujet de nos méditations et objet de nos prières l’amour le plus tendre et le plus invariable de Dieu qui, fait homme, est mort pour nous.

En nous montrant le Cœur de Jésus brûlant d’amour malgré les épines dont nous l’entourons pour nos offenses, l’Église nous ouvre la perspective d’un pardon miséricordieux et large, d’un amour infini et parfait, d’une joie complète et immaculée, qui doit être le charme pérenne de la vie spirituelle de tous les vrais catholiques.

Aimons le Sacré-Cœur de Jésus. Efforçons-nous de faire triompher cette dévotion de manière authentique (et pas seulement à travers un certain symbolisme de la réalité) dans chaque maison, dans chaque milieu et, surtout, dans chaque cœur. Ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons à réformer l’homme contemporain.

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« Ad Jesum per Mariam ». C’est par Marie que l’on va à Jésus. En écrivant sur la fête du Sacré-Cœur, comment ne pas dire un mot d’émotion filiale devant ce Cœur Immaculé qui, mieux que tout autre, a compris et aimé le Divin Rédempteur ? Que la Sainte Vierge nous donne quelques étincelles de cette immense dévotion qu’elle avait pour le Sacré-Cœur de Jésus. Qu’elle puisse allumer en nous un peu de ce feu d’amour dont elle brûlait si intensément, tels sont nos vœux en cette octave douce et réconfortante.

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