Par Plinio Corrêa de Oliveira
“Folha de S. Paulo”, le 9 mai 1971 (*)
Il y a des historiens contemporains qui réévaluent le concept de société d’ordres, par opposition à une société de classes.
En simplifiant un peu, on peut dire que – selon ces historiens – la société des ordres est celle dans laquelle la stratification des catégories sociales se fait en combinant deux critères :
- la mission particulière de chaque couche, ou ordre, dans le pays ;
- le degré de dignité attribué à cette mission, selon des critères abstraits, généralement religieux ou métaphysiques.
Je donne un exemple parmi beaucoup d’autres.
Dans presque toutes les nations chrétiennes d’Europe, jusqu’à la Révolution française, la première catégorie sociale était le clergé, auquel grands et petits avaient librement accès, comme nous le savons. Cette prééminence était fondée sur le caractère sacré du sacerdoce, et aussi sur le fait que la quasi-totalité de la charge attribuée aujourd’hui aux ministères de l’éducation et de la santé était supportée par ceux-ci. La deuxième couche sociale était celle des guerriers, c’est-à-dire des nobles, qui sont essentiellement chargés de la mission – auréolée d’une gloire particulière – de verser du sang pour le pays. Le caractère spécifique du noble authentique était d’être un guerrier ; et celui du guerrier distingué était d’être noble.
Par conséquent, d’innombrables personnes du peuple ont été élevées à la noblesse par leurs exploits pendant la guerre.
La noblesse comprenait également, bien que dans une position moins importante, le pouvoir judiciaire, pour la respectabilité de cette fonction.
Et, plus ou moins au même titre, les grandes figures de l’administration civile sont souvent entrées dans la même catégorie sociale.
Il ne manquait pas de monarques qui donnaient, pour des raisons similaires, des titres de noblesse à d’illustres personnalités des lettres ou de la culture.
Quel rôle l’argent a-t-il joué dans tout cela ? Il a été considéré comme un complément utile et, dans une certaine mesure, nécessaire à la situation d’une personne dans la société.
Par exemple, un évêque, un général ou un diplomate disposait habituellement des moyens nécessaires pour maintenir sa condition avec décorum. Mais – et il est important de le remarquer – la considération dont ils bénéficiaient n’était pas déterminée par le poids de l’argent, mais par la respectabilité intrinsèque de leur fonction.
Cela était particulièrement notable par rapport à la bourgeoisie qui, parce qu’elle était la classe des marchands, était aussi la plus influente dans la vie économique du pays.
Mais, selon le consensus général, aussi nécessaire et respectable que soit son travail pour le bien commun, son action est restée – selon les conditions de l’époque – limitée à la sphère de l’activité privée.
Et donc il ne portait pas le lustre particulier de ceux qui participaient, à tel ou tel titre, à la gestion des affaires publiques, en paix ou en guerre. Sa fonction a été reconnue comme honorée. Mais pas de manière aussi honorable. Et ce parce que la sphère de la vie publique possède quelque chose de plus élevé et de plus excellent que la sphère de la vie privée.
Il est évident que ce critère ne pourrait pas être appliqué sans nuance à notre époque, où la gestion d’intérêts économiques considérables, outre qu’elle exige souvent une capacité intellectuelle importante, dépasse souvent la sphère privée et, dans ce cas, implique des responsabilités de grande envergure par rapport à la sphère publique elle-même.
Mais si nous imaginons la société actuelle vue selon les critères qui prévalent dans la société des ordres, la personne ou la famille responsable d’une fonction pertinente dans l’économie verrait son importance reconnue, non pas directement en raison du poids matériel de son argent – considéré uniquement comme un moyen de relier et de diriger des intérêts privés – mais en raison de la dignité intrinsèque d’une activité d’une telle ampleur pour la sphère publique.
Quelque chose de similaire, et même d’hypertrophique, est arrivé dans certaines sociétés anciennes. Par exemple dans la République de Venise, où la classe marchande, en raison de son importance particulière dans la vie de l’État, occupait la première place et concentrait entre ses mains presque toute la direction de l’État.
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Reconnaître le capital comme un facteur de production économique, la grande importance qu’il a selon les circonstances de nos jours, rien de plus juste. Mais proclamer ainsi la supériorité absolue de la possession de l’argent sur tous ou presque tous les facteurs intellectuels, religieux ou moraux du prestige, n’est-il pas placer l’économie comme valeur suprême ? Et on ne tombe pas dans le marxisme sans le vouloir ?
Ces réflexions ont une signification pratique. Elles sont un appel à changer cette mentalité, qui malheureusement gagne du terrain parmi nous, et qui pourrait se résumer à cette formule : “Faire carrière, c’est devenir riche, le reste n’est que paroles en l’air”.
En fait, cet exclusivisme équivaut à nier les fondements religieux, moraux et culturels de la stratification sociale, pour affirmer le marxisme et pour renverser mêmes les Crésus.
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Avant de terminer, il me semble juste de souligner que la surestimation unilatérale et quasi exclusive de la puissance économique des Crésus c’est un état d’esprit qui, de l’extérieur du Brésil, gagne toutes nos couches sociales.
– Et comment éviter une telle “crésulatrie”, si la vie est conçue de manière athée et comme une course aux avantages matériels de l’argent, et non cette honorabilité que, d’une manière ou d’une autre, à un degré ou à un autre, dans toutes les classes, on devrait posséder ?
(*) Titre original : “O dinheiro não é valor supremo”. Morceaux choisis.
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