“Il viendra un temps où les hommes ne pourront plus souffrir la saine doctrine” : Commentaire de Saint Thomas d’Aquin à la seconde épître de saint Paul à Timothée

2 Timothée IV, 1-5 :

  1. Je vous conjure donc devant Dieu et devant le Christ qui jugera les vivants et les morts à son avènement glorieux, et dans l’établissement de son signe,

  2. D’annoncer la parole. Pressez les hommes à temps et à contretemps ; reprenez, suppliez, menacez, sans vous lasser jamais de les tolérer et de les instruire

  3. Car il viendra un temps où les hommes ne pourront plus souffrir la saine doctrine ; au contraire, au gré de leurs désirs, ils auront recours à une foule de docteurs propres à satisfaire leurs désirs.

  4. Et fermant l’oreille à la vérité, ils l’ouvriront à des fables.

  5. Mais pour vous, veillez ; souffrez constamment toutes sortes de travaux ; faites la charge d’un évangéliste ; remplissez tous les devoirs de votre ministère ; soyez sobre.

 

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Commentaire de la seconde épître de saint Paul à Timothée par SAINT THOMAS D’AQUIN

(…)

II° A ces mots (verset 3) : “Car il viendra un temps où les hommes ne pourront plus souffrir la saine doctrine etc.,” l’Apôtre explique la nécessité de la recommandation qu’il vient de faire. Or, il y avait une triple nécessité de donner cet avertissement : la première du côté des auditeurs ; la seconde du côté de Timothée lui-même (verset 5) : “Mais pour vous, veillez, etc. ;” la troisième du côté de l’Apôtre lui-même (verset 6) : “Car pour moi je suis, etc.”
I – A l’égard de la première, Paul expose d’abord cette nécessité ; il développe ensuite ce qu’il a dit (verset 4) : “Et [fermant l’oreille] à la vérité.”
1° La première nécessité est la perversité même des auditeurs, alors que recevant l’enseignement, ils ne veulent pas entendre des choses utiles, mais des choses qui piquent leur curiosité.
2° L’Apôtre dit donc quant aux premières : “insistez;” quand un ne veut pas entendre la saine doctrine, car (verset 3) : “Il viendra un temps où les hommes ne pourront plus la souffrir, etc.”
  1. Quand il y aura des docteurs du mal; (Actes, XX, 29) : “Je sais qu’après mon départ il entrera parmi vous des loups rapaces.” C’est ce qui fait dire à Paul (verset 3) : “Ils ne pourront souffrir [la saine doctrine],” c’est-à-dire votre doctrine, celle de Jésus-Christ qui leur sera odieuse ; (Prov., VIII, 8) : “Tous mes discours sont justes, ils n’ont rien de mauvais ni de corrompu.”
  2. Il est encoreune autre perversité, c’est quand, dans le dérèglement de leur espritils veulent entendre des choses curieuses et dangereuses ; (Proverbes I, 22) : “O enfants, jusqu’à quand aimerez-vous l’enfance ? Jusqu’à quand les insensés désireront-ils ce qui leur est pernicieux, et les imprudents haïront-ils la science ?” C’est pourquoi l’Apôtre dit (verset 3) : “Au gré de leurs désirs, ils auront recours,” c’est-à-dire, ils multiplieront, etc. C’est contre eux qu’il est dit (Jacques III, 1) : “Mes frères, qu’ils n’y en ait pas tant parmi vous qui veuillent devenir des maîtres, sachant que cette charge vous expose à un jugement plus sévère.”
Ce recours se passe quand les docteurs indignes et incapables se multiplient, et dans ce cas, quatre indignes font une troupe plus forte que cent docteurs qui seraient dignes, car (Sagesse, VI, 26) : “La multitude des sages est le salut du monde;” (Isaïe, XXX, 10) : “Dites-nous des choses qui nous agréent.” Alors tout se passe selon leurs désirs, car celui-ci veut entendre un maître, celui-là en veut un autre, et chacun cherche des maîtres différents.
L’Apôtre dit : “[Ils auront recours] à une foule de docteurs, propres à satisfaire leurs désirs,” c’est-à-dire, à eux, les auditeurs. On dit de celui qui ne sait pas demeurer en repos : il a des démangeaisons dans les pieds ; en avoir dans les oreilles c’est vouloir entendre toujours des choses nouvelles, extraordinaires, curieuses, nuisibles quelquefois ; (Actes, XVII, 21) : “Les Athéniens ne passaient tout leur temps qu’à dire ou entendre quelque chose de nouveau.” Ainsi se propage la doctrine hérétique. (Prov., IX, 17) : “Les eaux dérobées sont plus douces, et le pain pris en cachette, est le plus agréable, etc…”
3° Quand l’Apôtre dit ensuite (verset 4) : “[Et fermant l’oreille] à la vérité,” il explique ce qu’il vient de dire.
  1. Et d’abord il rappelle ce qu’il avait dit : qu’ils ne supporteront pas la saine doctrine, lorsqu’il dit (verset 4) : “Et fermant l’oreille à la vérité.” La doctrine saine est celle qui n’admet le mélange d’aucune erreur. Ils ne supportent donc pas la saine doctrine, quand ils ne veulent pas entendre la vérité (Osée, IV, 1) : “Il n’y a pas de vérité, il n’y a pas de miséricorde, il n’y a pas de connaissance de Dieu sur la terre ;” (Jean, VIII, 45) : “Si je vous dis la vérité pourquoi ne me croyez-vous pas ?”
  2. Ensuite il explique cette autre parole qu’il avait dite (verset 3) : “Ils auront recours, etc.,” quand il ajoute (verset 4) : “Ils l’ouvriront à des fables.” La fable est composée de récits merveilleux, dépourvus de vérité. Ce sont de tels récits, que ces hommes à qui les oreilles démangent veulent entendre (I Tim., IV, 7) : “Fuyez les fables impertinentes et puériles,”
II. Quand il ajoute (verset 5) : “Mais pour vous, [veillez], etc.,” Paul exprime la même nécessité du côté de Timothée qui avait reçu la charge [de prêcher] et devait par conséquent l’exercer. D’abord il lui recommande la sollicitude; ensuite il l’exhorte au travail ; enfin il tempère cette notion de travail.
1° Il dit donc (verset 5) : “Mais pour vous, veillez;” en d’autres termes : Si ceux dont je vous ai parlé agissent de la sorte,” pour vous, veillez, etc…” ; (Mt XXIV, 42) : “Veillez donc parce que vous ne savez pas à quelle heure votre Seigneur doit venir;” (Luc, II, 8) : “Il y avait là aux environs des bergers qui passaient la nuit dans les champs, veillant tour à tour à la garde de leur troupeau;” (Rom., XII, 8) : “Que celui qui est chargé de la conduite de ses frères,…”
2° Mais comme la vigilance sans travail, manque son butl’Apôtre engage Timothée, d’abord en termes généraux, à travailler ; en second lieu, il détermine quel doit être l’objet de ce travail ; enfin la nécessité de s’en acquitter.
  1. Il dit donc : “Veillez,” mais de manière à faire quelque chose; par conséquent : “Souffrez les travaux” (Sagesse, III, 15) : “Le fruit des justes travaux est plein de gloire.” Et cela : “En toutes circonstances,” c’est-à-dire à l’égard de toutes les catégories d’hommes ; (Isaïe, XXXII, 20) : “Vous serez heureux vous qui semez près de toutes les eaux ;” (Marc, XVI, 15) : “Prêchez l’Evangile à toute créature.”
  2. Paul détermine immédiatement, après ce premier point, quel doit être ce travail, quand il dit (verset 5) : “Faites la charge d’un évangéliste,” c’est-à-dire annoncez l’Evangile. C’est là, en effet, un noble ouvragecar c’est pour lui que Jésus Christ a été envoyé ; (Luc, IV, 43) : “Il faut aussi que j’annonce aux autres villes l’Evangile du royaume de Dieu, car c’est pour cela que j’ai été envoyé ;” (Isaïe XLI, 27) : “C’est lui qui dira le premier à Sion : Voici mes paroles, et je vais donner à Sion un messager de bonne nouvelle.” On donne quelquefois le nom d’évangéliste à celui qui a écrit un évangile ; or ces évangélistes sont au nombre de quatre. Quelquefois aussi à celui qui prêche l’Evangile même ; c’est dans ce sens que ce terme est pris ici et au chap. IV, 41 de l’Epître aux Ephésiens.
  3. La nécessité de ce travail, c’est que tel est “le ministère” qui vous a été confié (verset 5) : «Remplissez-en donc les devoirs », à savoir, en prêchant l’Evangile. (Coloss., IV, 17) : “Dites à Archippe : veillez à bien accomplir le ministère que vous avez reçu du Seigneur.” Or, pour remplir les fonctions d’évangéliste, il faut prêcher la parole et accomplir les œuvres (Actes, I, 1) : “…que Jésus commença à faire et à enseigner, etc.”
3° L’Apôtre engage ensuite son disciple à éviter tout excès, quand il dit (verset 5) : “Soyez sobre,” ou de cette sobriété corporelle qui convient à celui qui prêche [la vérité], car l’ivresse est l’ennemie de la sagesse (Ecclésiastique, II, 3) : “J’ai pris en moi-même la résolution de refuser à ma chair l’usage du vin;” ou plutôt de la sobriété qu’on appelle discrétion ; (Actes, XXVI, 25) : “Les paroles que je viens de dire sont des paroles de vérité et de bon sens;” (1 Pierre, V, 8) : “Soyez sobres, etc…”

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