1963-12-03 – Deux cent Pères Conciliaires demandent au Concile Vatican II une condamnation catégorique des erreurs socialistes et communistes

Dans le livre « Vatican II – une histoire à écrire », du Prof. Roberto de Mattei, (Muller Édidions, 2013, page 223, note 362), on peut lire :
« Cf. Le texte de cette pétition in Catolicismo, nº 157 (1964), tr. It. In Cristianità, 19-20 (1976). Ce fut Plinio Corrêa de Oliveira qui rédigea la pétition contre le communisme signée par les Pères conciliaires. Cf. A-IPCO, Réunion du 26 août 1989. »
Ci-dessous, la transcription du livre L’Eglise du Silence au Chili – Un Cardinal progressiste plonge son pays dans le communisme – Le pays en réchappe – Le Cardinal s’applique à l’y replonger, Editions Tradition, Famille, Propriété,1976, Annexe VI, pages 427-432.

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Deux cent Pères Conciliaires demandent au Concile Vatican II une condamnation catégorique des erreurs socialistes et communistes

Deux cent treize Pères Conciliaires de 54 pays, prévoyant sans doute l’apparition d’une troisième force inacceptable entre le marxisme et le christianisme dans les domaine politique, économique et social, présentèrent au Concile Vatican II un document mémorable demandant à l’Assemblée de renouveler la condamnation de toutes les erreurs socialistes et communistes, en dissipant l’erreur qui se glisse insidieusement dans les milieux catholiques.

Suit le texte intégral de ce document, remis à son Eminence le Cardinal Amleto Giovanni Cicognani, alors titulaire de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège (cf. « FIDUCIA », n. 6 mars 1964) :

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Basilique de Saint Pierrel’entrée du Pape pour la clõture de la deuxième session du Concile

 

« Eminentissime et Révérendissime Seigneur:

Mû par le désir que les âmes retirent le plus grand profit du Concile Vatican II, et adressant mes salutations respectueuses à Votre Eminence, je vous adresse cette pétition, en vous priant de bien vouloir la soumettre à la Commission que vous présidez pour ensuite, si vous le voulez bien, la présenter au Très Saint Père.

Fondement

C’est une excellente occasion que nous offre le Concile Œcuménique pour traiter des questions d’une extrême importance pour le bien de l’Eglise et le salut des âmes. Il en est ainsi des questions relatives à la secte communiste, socialiste ou marxiste. Car il s’agit de quelque chose qui intéresse pardessus tout le salut d’un grand nombre de fidèles: en premier lieu, de ceux qui, vivant sous le joug des communistes, sont déjà privés de la liberté de servir Dieu, selon les exigences de la conscience catholique; ensuite, de ceux qui risquent de tomber sous ce même joug. Comme, entre-temps, le dessein communiste de dominer le monde se renforce chaque jour davantage, l’on peut dire que l’Eglise se trouve dans de nombreuses régions sur le point de connaître une cruelle servitude et une atroce persécution.

Que le Concile traite d’une question aussi grave me semble non seulement opportun, mais nécessaire. J’exposerai les raisons les plus profondes de cette nécessité.

I – Parmi des catholiques, circulent de nombreuses erreurs, ainsi que des états d’esprit, qui ont leur origine dans la Révolution Française et sont répandus par la propagande bolchévique; ces esprits deviennent enclins à accepter les doctrines marxistes et la structure sociale et économique du communisme. Séduits par ces idées, de nombreux catholiques considèrent avec sympathie le communisme, admirent les pays communistes, remettent en question les fondements même de l’ordre social chrétien, ou le conçoivent selon les vœux des communistes. Pis encore, un grand nombre de fidèles éprouvent comme un sentiment de culpabilité, parce qu’ils ne professent pas encore ouvertement le communisme ou le socialisme.

Voici les principales erreurs et déviations:

1 – L’opinion se répand chaque jour davantage que toute supériorité sociale ou économique est injuste, de sorte que seule l’égalité de fortune entre les hommes, très à la mode aujourd’hui, serait conforme a l’Evangile, toute autre disparité sociale disparaissent alors.

Si donc quelques hommes, citoyens d’un même pays ou étrangers, subissent les effets d’une certaine pauvreté, tous les autres hommes qui jouissent de biens au-delà de ce qui leur est strictement nécessaire pour vivre doivent, selon ces catholiques, renoncer non seulement aux biens superflus, mais aussi même à ceux qui leur sont absolument nécessaires pour conserver le mode de vie correspondant à la position sociale qu’ils occupent. En conséquence, aux yeux de ces catholiques, toute opulence familiale ou nationale doit toujours être considérée comme un vol et un cumul injuste de biens qui appartiendraient aux classes plus modestes. D’où la très grave conséquence que l’on peut énoncer ainsi: les classes les plus modestes ont un droit strict aux biens qui doivent être considérés comme nécessaires, mais non strictement pour vivre, seulement nécessaires pour le mode de vie correspondant à la position sociale occupée par un autre. Et, comme elles y ont droit, elles peuvent prendre ces biens par la force. Selon ce principe appliqué à la communauté des peuples, les nations moins cultivées et moins riches ont le droit d’exiger des nations plus cultivées et plus riches une participation aux biens que celles-ci possèdent, biens de culture ou biens de fortune. Le cas échéant, il leur est donc permis de s’approprier par la force des richesses des nations les plus fortunées. Ces catholiques ne rejettent pas une telle conséquence, sinon dans la pratique, du moins en théorie.

2 – Toujours selon ces catholiques, le Saint-Siège doit distribuer, pour secourir les pauvres et les nécessiteux, les trésors du Vatican et des Basiliques romaines, ainsi que les œuvres d’art qu’il possède. Les Évêques, les monastères et les presbytères devraient renoncer à toutes les richesses, pour ne conserver que celles qui leur sont strictement nécessaires pour subsister.

3 – Ces erreurs sont répandues par de nombreux maîtres dans les rangs du Clergé. Propagée sous l’apparence de la justice et de la charité, elles amènent de nombreux fidèles à admettre de fausses doctrines et principes, créent un esprit contraire à l’ordre social et tendant à l’égalitarisme social.

II – Je vais maintenant traiter d’un autre aspect de la situation actuelle du Catholicisme.

Avec la sagacité qui les caractérise, les communistes utilisent depuis ces dernières années une nouvelle stratégie. Le gouvernement soviétique proclame la nécessité de la coexistence pacifique et fait montre d’un libéralisme fictif. Ce relâchement momentané de la rigueur du système politique crée l’illusion d’une certaine évolution des nations communistes qui, insensiblement, s’achemineraient vers un type de société pouvant être toléré et même souhaité par les catholiques.

Dans cette nouvelle société marxiste, l’Etat autoriserait une certaine liberté de langage et de pensée, adoucirait la rigueur policière, pourrait tolérer la religion, mais n’admettrait pas le droit de propriété, ni ne consentirait à l’usage de la propriété privée.

Un grand nombre de catholiques d’aujourd’hui jugent acceptable ce régime et, à leurs yeux, l’Eglise n’a rien d’essentiel à opposer à un tel Etat socialiste. Ils renforcent l’opinion de ceux qui déclarent que la propriété privée ne profite pas à l’Église, mais seulement aux propriétaires et ils pensent donc que l’Eglise n’a aucune raison de lutter en faveur du droit de propriété. Le catholique serait donc autorisé à adhérer et à soutenir un régime social dans lequel ce droit de propriété ne serait pas admis ou serait gravement diminué.

S’appuyant sur de telles opinions, de nombreux catholiques estiment que la société occidentale, en raison des abus du régime capitaliste sous lequel ils vivent, est pire que la société communiste.

Ils pensent réellement qu’il est impossible de remédier aux abus du capitalisme et donc, qu’il est indifférent pour la cause catholique que nous vivions sous un régime occidental libre ou sous la servitude communiste. Pis encore, ils n’ont pas honte de déclarer qu’is préfèrent le régime marxiste au régime des nations capitalistes.

III – Etant donné l’état actuel des choses, cette pénétration générale des idées et de la mentalité marxiste exige absolument que le Concile dise un mot pour tranquilliser la conscience chrétienne. Et, à mon sens, ce mot doit être dit, sous peine de causer un grave dommage aux âmes. Réellement, le marxisme et le communisme doivent être considérés comme les hérésies les plus grandes et les plus dangereuses  du siècle ; les fidèles ne comprendraient pas que le Concile n’aborde pas cette question d’une actualité brûlante.

Pétition

Une constitution doctrinaire et pastorale vis-à-vis du marxisme, du socialisme et du communisme ne créera pas le moindre obstacle à l’action du Saint-Siège en faveur de l’existence pacifique de tous les hommes et de toutes les nations; aussi, me fondant sur les très graves raisons que j’ai exposées plus haut, je prie la Commission chargée des Affaires Extraordinaires du Concile Vatican II de présenter au Souverain Pontife le vœu de nombreux Évêques et fidèles, que le Très Saint Père procèdera à l’élaboration et à l’étude d’un schéma de constitution conciliaire dans laquelle:

  1. La doctrine sociale catholique serait exposée avec une grande clarté et dénoncées les erreurs du marxisme, du socialisme et du communisme, du point de vue philosophique, sociologique et économique;

  2. Ces erreurs seraient combattues, ainsi que cette mentalité, qui préparent l’esprit des catholiques à accepter le socialisme et le communisme, les rendant favorables à ces régimes.

Conclusion

Je connais, Eminence, l’opinion de nombreux Pères Conciliaires qui, mûs par la même angoisse, souhaitent traiter de ces problèmes en Concile. Je nourris l’espoir que, répondant à nos vœux, Votre Eminence présentera cette requête aux membres éminents qu’elle préside et fera ensuite connaître au Souverain Pontife le désir et la requête de Pères conciliaires aussi nombreux.

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