Saint Jean-Marie Vianney : d’un séminariste pauvre en intelligence au saint patron de tous les curés

Conférence du 9 août 1968

Par Plinio Corrêa de Oliveira

 

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Il y a toujours quelque chose de nouveau à dire sur saint Jean-Marie Vianney (1786-1859), qui fut l’un des plus grands saints du XIXe siècle. Sa vie présente tant d’aspects différents qu’il y a toujours une nouvelle leçon à en tirer.

Dans les premières décennies du XIXe siècle, il était un séminariste pauvre. Pauvre non seulement en biens, mais aussi en intelligence : son esprit est petit. Il doit faire un effort extraordinaire pour suivre ses études au séminaire et échoue deux fois à l’examen final. Ses déficiences intellectuelles inquiètent beaucoup les supérieurs : doit-il être ordonné prêtre ? Finalement, à l’âge de trente ans, il réussit de justesse l’examen et est ordonné prêtre.

 

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Le petit village d´Ars

L’évêque envoie ce prêtre sans talent dans un petit village, le village d’Ars. C’est là qu’il commence une vie sacerdotale qui, contre toute attente, illuminera d’abord toute l’Europe, puis le monde entier de sa lumière. Pie XI le canonisa en 1925 et le proclama saint patron de tous les curés catholiques.

Bien qu’il n’ait manifesté au cours de ses années de séminaire aucune des qualités naturelles qui caractérisent un prêtre exceptionnel, il est devenu un prêtre magnifique, un apôtre extraordinaire, un confesseur d’un rare discernement et un prédicateur d’une profonde influence sur les âmes.

Que s’est-il passé pour que ce séminariste un peu terne devienne un prêtre aussi extraordinaire et efficace ? Sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897) répond : “Rien n’est impossible à l’amour”. Ce que la sainte veut dire, c’est que celui qui aime vraiment Dieu, Notre Seigneur et Notre Dame, obtiendra toujours les moyens d’accomplir l’œuvre à laquelle la Divine Providence l’appelle.

Cela s’applique parfaitement à saint Jean-Marie Vianney. Méditons par exemple sur ses sermons. Nous avons là un prêcheur hors du commun. Il prépare ses sermons du mieux qu’il peut, puis il les étudie. Mais lorsqu’il les prononce, il parle avec une telle conviction, avec un amour de Dieu si ardent, avec des paroles si bénies que la grâce de ces sermons se communique et touche tous ceux qui les entendent.

Je n’ai pas encore parlé d’un autre de ses défauts : il n’a pas une voix forte, et à l’époque il n’y avait pas de micro, ce qui fait que les foules qui se rassemblaient à Ars pour l’entendre et qui remplissaient l’église et même le cimetière ne l’entendaient souvent pas. Pourtant, les chroniques font état de conversions, même parmi ceux qui entendent quelques phrases, mais pas le sermon dans son intégralité. Et même parmi les personnes qui n’entendent pas un mot : il leur suffit de le voir.

Dans son ouvrage fondamental L’âme de tout apostolat“, Dom Jean-Baptiste Chautard (1858-1935) raconte cet épisode significatif. Un avocat se rend à Ars dans l’espoir de rire aux dépens de “ce curé ignorant”. Mais il rentre chez lui converti. Aux amis qui lui demandent : « Qu’avez-vous donc vu à Ars ? », il répond : « J’ai vu Dieu dans un homme ». C’est-à-dire que la présence de Dieu était visible chez saint Jean-Marie Vianney. Tout le monde pouvait voir que Dieu était avec lui, qu’il était en lui. Il me semble que le témoignage de l’avocat anticlérical sur le vicaire d’Ars – “J’ai vu Dieu dans un homme ” – est l’un des hommages les plus glorieux que l’on puisse rendre à une créature humaine.

Les bénédictions dérivées de ses sermons et le charisme de sa parole se répandirent partout, et toute l’Europe commença à venir en pèlerinage à Ars. C’est l’une des raisons pour lesquelles les conversions de saint Jean-Marie Vianney sont innombrables.

Il est aussi le martyr du confessionnal : il y passe des heures et des heures à confesser et à conseiller. Nous ne nous rendons pas compte du martyre que représente le fait de passer de longues heures à écouter les absurdités morales que les gens commettent chaque jour. Dans le confessionnal, il suit les conseils de saint Alphonse Marie de Ligori (1696-1787), qui recommande aux confesseurs de ne pas se presser, d’être patients, de considérer chaque pénitent comme s’il était la seule personne à écouter ce jour-là, et de l’aider à surmonter ses péchés un par un. C’est ainsi que saint Jean-Marie Vianney conteste tous les péchés dans le combat, insiste sur la pratique des vertus, conseille la bonne conduite et refuse souvent l’absolution. Oui, s’il ne perçoit pas un désir sérieux de se corriger, il refuse l’absolution au pénitent.

Il déconseille à ses paroissiens de danser. Pourtant, les bals de son époque sont moins immoraux et scandaleux que certains bals d’aujourd’hui : ses paroissiennes s’y rendent couvertes et avec des jupes longues. Qui sait ce qu’il dirait de certaines danses de notre siècle ! Pourtant, il refuse l’absolution à ceux qui ne promettent pas de s’abstenir de certaines danses. Certains répondent qu’ils iront dans une autre église où ils n’auront aucune difficulté à obtenir l’absolution. Il leur répond : « Si d’autres prêtres veulent vous aider à aller en enfer, qu’ils en assument la responsabilité ».

Ce saint extraordinaire passe toute sa journée à l’église : en chaire, au confessionnal ou à l’autel. On pourrait penser que le soir, de retour chez lui, il profiterait au moins d’un repos bien mérité. Pas du tout : une nouvelle lutte commence, cette fois contre le diable. Pendant des décennies, presque chaque nuit, il combat le Diable – qu’il appelle Grappin – qui l’agresse physiquement et le tourmente par des bruits assourdissants et des insultes. Les nuits précédantes la confession d’un pécheur particulièrement dominé par le Diable, ce dernier se déchaîne particulièrement contre le saint. Une fois, il met même le feu à son matelas. En réponse, saint Jean-Marie Vianney recourt de plus en plus à la pénitence et à la prière pour obtenir de Dieu les grâces nécessaires à la conversion des pécheurs.

Il est très beau de méditer sur le fait que la Divine Providence, pour renforcer son apostolat, lui accorde le don des miracles. En effet, il en accomplit beaucoup. Mais il se garde bien de se les attribuer.

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Il construisit dans son église un autel dédié à sainte Philomène, vierge et martyre (selon la tradition 291-304, mais des  incertitudes sur les données historiques ont conduit à la retirer du calendrier des saints), à qui il attribuait tous ses miracles.

Je ne mentionnerai qu’un fait extraordinaire qui révèle son don de lecture des âmes, ce que l’on appelle techniquement le discernement des esprits. Ce fait est rapporté par une de ses pénitentes, une jeune femme qui appartenait aux Filles de Marie. Elle est allée se confesser au curé d’Ars. Dès qu’elle s’agenouille, le saint commence à lui raconter l’histoire de sa vie.

– “Vous souvenez-vous d’être allée danser un jour pareil ?”

– “Oui, je m’en souviens.”

– “Te souviens-tu qu’à un moment donné, un beau garçon est entré dans la salle de bal ? Il était élégant, sûr de lui et a dansé avec plusieurs filles…”.

– “Oui, je m’en souviens.”

– “Vous souvenez-vous que vous aviez très envie de danser avec lui ?”.

– “Je m’en souviens aussi.”

– “Tu te souviens que tu étais triste parce qu’il ne t’avait pas invitée à danser ?”.

– “Oui.”

– “Te souviens-tu d’avoir regardé par hasard ses chaussures et d’avoir vu une étrange lumière bleutée qui semblait provenir de ses pieds ?”.

– “Oui.”

Jusqu’à présent, les événements qu’il décrit à la jeune fille proviennent de son don surnaturel de discernement des esprits, car humainement il ne pouvait pas les connaître. Mais à ce moment-là, il fait une révélation stupéfiante :

“Ce garçon était en fait le Diable, qui avait pris une forme humaine pour tenter plusieurs filles présentes. Il n’a pas pu t’approcher car, en tant que Fille de Marie, tu étais protégée par Notre Dame et tu portais la Médaille Miraculeuse”.

Cet épisode, si éloigné de notre sensibilité, est en réalité riche d’enseignements. Il explique l’extraordinaire renommée qu’il avait dans la région, en France, en Europe et dans le monde entier comme confesseur capable de lire dans l’âme des pénitents qui venaient se confesser à lui.

Il y a beaucoup d’autres faits extraordinaires que nous pouvons lire dans la vie de saint Jean-Marie Vianney et qui nous amènent à demander son aide pour guérir le clergé catholique, dont il est le patron, des maux qui l’assaillent en ces temps tristes et décadents dominés par ce que beaucoup appellent « l’esprit du Concile Vatican II ». Et qu’il lui donne le discernement nécessaire pour éviter tout laxisme et libéralisme dans les mœurs et les coutumes.

 

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Châsse contenant les reliques du Saint Curé d’Ars, dans son église

Pour une visite virtuelle d’Ars : https://360.arsnet.org/fr/ 

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