Brésil: Les paysans seront les grandes victimes de la réforme agraire
TFP Informe, Septembre-Octobre 1987, Montréal, page 1 |
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La TFP brésilienne vient de publier un nouveau livre à propos de la Réforme agraire. Il s'agit d'une véritable bombe idéologique, lancée en plein cœur du débat (d'ailleurs très échauffé) autour de la question de la réforme des structures socio-économiques dans le secteur rural du Brésil. Jusqu'à présent, la TFP avait critiqué le programme de Réforme agraire du Président José Sarney principalement à cause de son caractère confiscatoire, c'est-à-dire sa négation du droit de propriété aux fermiers. En fait, le programme permet d'exproprier les terres des particuliers (même si elles sont bien cultivées) à des prix dérisoires. Tandis que les terres de l'Etat -plus de 350 millions d'hectares de jungle non cultivée- restent presque intouchées par la réforme. Maintenant la TFP fait le lancement du premier livre au Brésil dédié exclusivement à dénoncer les conséquences désastreuses de la Réforme agraire pour les travailleurs ruraux. Le livre s'intitule Réforme agraire: terre promise, "favela" rurale ou “kolkhoses" ? Un mystère que la TFP dévoile. Il fut écrit par un membre de la TFP brésilienne, M. Atilio Guilherme Faoro (favelas: nom brésilien pour les bidonvilles dans la banlieue des grandes métropoles ; kolkhozes: fermes collectives en Russie).
L'œuvre fait l'analyse de la nature juridique et des implications socio-économiques des assentamentos, ces établissements ruraux où sont installés les paysans bénéficiaires de la reforme. L'auteur, un jeune diplômé en Droit de l'Université Fédérale du Parana, détruit le mythe selon lequel la Réforme agraire permettra à chaque paysan de devenir un petit propriétaire d'une ferme de proportions familiales pour y travailler avec les siens. Avec une documentation abondante -lois, rapports, déclarations de dirigeants agro-réformistes et articles de journaux- il démontre que le but de la Réforme agraire n'est pas la généralisation des petites propriétés -la “terre promise" de tant de socialistes utopiques. Le véritable objectif de la réforme est l'installation d'assentamentos, un système où l'Etat devient le vrai propriétaire, et où le paysan n'a qu'une concession pour l'usage de la terre: un titre précaire, grevé de lourds devoirs, et avec l'obligation de fonctionner sous la tutelle de coopératives dirigées par l'Etat. Bref, un modèle de coopérativisme intégral et nationalisé, très semblable aux communes chinoises, aux agrovilles polonaises, aux granges du peuple cubaines et aux fermes collectives russes, les fameux kolkhozes. Le titre du livre est inspiré de déclarations de fonctionnaires du gouvernement brésilien chargés de mettre en pratique la Réforme agraire. Après en avoir dirigé l'application, et voyant que les fermes expropriées sont devenues des favelas rurales, ces hauts fonctionnaires soulignent maintenant qu'il faut "adopter un schéma de production plus collectiviste, ou le pays risque sérieusement de "faveliser” la campagne" (Déclarations de M. Dante de Oliveira, ex-Ministre de la Réforme et du développement agraire, Jornal do Brasil, 9/10/86). En effet, les derniers chapitres sont consacrés à la description de la misère qui rôde autour de la plupart des assentamentos établis par la Réforme agraire. Obligés à travailler d'une façon "communautaire", et sans disposer des moyens techniques ni de l'expérience des affaires, les paysans sont déjà fortement endettés et vivent dans des conditions semblables à celles existantes dans les pires bidonvilles. En conclusion, l'étude démontre que s'opposer à la Réforme agraire n'implique pas seulement de se porter à la défense des lois légitimes des propriétaires et des convenances du bien commun de la société, mais aussi à la défense des paysans eux-mêmes, qui en seront les grandes victimes. Les fermiers et les travailleurs doivent donc s'unir comme des frères pour lutter ensemble contre une Réforme nocive autant pour les uns que pour les autres. C'est seulement dans un esprit de collaboration entre les classes, au milieu d'un système qui respecte le droit de propriété et la libre initiative des fermiers, et le droit des travailleurs à un juste salaire, qu'il faut chercher l'amélioration des conditions de vie des paysans dans les pays en voie de développement. |