Plinio Corrêa de Oliveira
Lettre au Directeur de « O Estado de S. Paulo »
|
|
Réfutation « Imbroglio, Détraction, Délire », Paris, 1980, vol. II, pages 31-39 Appendice VII Dans le quotidien « O Estado de S. Paulo » : férocité polémique contre la TFP Lettre du Pr Plinio Corrêa de Oliveira au Directeur de « O Estado de S. Paulo » : São Paulo, le 15 Août 1979 Monsieur Julio de Mesquita Neto Directeur de « O Estado de S. Paulo » Monsieur le Directeur, Je vous écris en ma qualité d’abonné, ce que je suis depuis environ quarante ans, à « O Estado de S. Paulo ». Je vous communique que je ne veux plus recevoir votre journal, que je considère annulé mon abonnement pour 1979 et que j'espère ne recevoir de votre département de propagande aucune proposition pour les années à venir. Ce qui me mène à cela, ce ne sont pas les attaques récemment faites par ce quotidien, que ce soit contre la TFP, dont je suis le Président du Conseil National, ou bien contre ma personne. La TFP a déjà reçu bien d'autres offensives de la part de « O Estado de S. Paulo » et je n'ai pas même envisagé de résilier alors mon abonnement. Pourtant, dans la nouvelle publiée le 12 de ce mois, la TFP et moi-même avons fait l'objet, de la part de ce journal, d'une férocité polémique sans précédents, à ma connaissance, dans son passé, ni dans l'histoire de la presse brésilienne. En effet, la nouvelle en question a voulu m'atteindre dans l'un des sentiments les plus sacrés et les plus intimes au cœur humain : l'affection et la vénération que tout fils porte à sa mère. Je ne doute pas, quelle que soit l'opinion de vos lecteurs sur la justesse ou l'opportunité de tel ou tel acte de ma vie publique, ou sur la TFP, qu'aucun par mieux ne niera l'entière convenance de mon inconformité. Férocité polémique : l'expression est tout à fait précise, Monsieur Julio de Mesquita Neto. Était-il selon la justice, était-il selon l'honneur, que pour attaquer ma personne et la TFP, « O Estado de S. Paulo » en arrive au point de violer l'auguste paix des défunts, dans laquelle ma Mère repose sereinement et chrétiennement, en attendant l'aurore de la résurrection ? Était-il juste et selon l'honneur, qu'il invoque - et de quelle façon ! - son nom dans une polémique, tout comme les témoignages de vénération et de tendresse dont sa mémoire est entourée ? En procédant de cette manière, « O Estado de S. Paulo » n’aura-t-il pas transgressé un droit de l'homme, lui qui se proclame défenseur de ces droits, et même quand il s’agit d’adversaires acharnés et irréductibles des plus élémentaires préceptes des lois humaines et divines ? Pour sûr, tous les hommes sans exception ont des droits. Alors, est-ce que moi par hasard je n'en aurais pas ? Et seulement parce que j'appartiens à la TFP ? L'article de « O Estado de S. Paulo » déjà mentionné rapporte que de nombreux associés et sympathisants de la TFP recourent à l'intercession de la pieuse âme de ma Mère pour obtenir des grâces du Ciel. Et il manipule habilement ce fait de façon à le présenter comme une expression de la ridicule ou absurde mentalité religieuse que la TFP inculquerait à ceux qui vivent dans son sein. C'est pourquoi cette nouvelle n'hésite pas à présenter comme symptomatique une transposition absolument absurde de l'Ave Maria. Au sujet de cette transposition, par scrupuleuse précaution, j’ai recherché si par extraordinaire elle était adoptée dans les rangs de la TFP. Et je peux répondre que non. Si par hasard il s 'était produit quelque fait individuel de cette nature, d'ailleurs sans que j'en aie eu connaissance, il ne prouverait rien. Car quelle est l'entité nombreuse qui accepterait d’être rendue responsable pour les singularités pratiquées, sous responsabilité individuelle, par tel ou tel de ses membres ou de ses sympathisants ? Je qualifie donc non seulement d’injuste, mais de féroce, le recours polémique à une absurdité de ce genre, même si elle était fondée. * * * Il y a plus grave. Il est bien vrai qu'un certain nombre de personnes appartenant à la TFP, ou proches de la TFP, vont au Cimetière de la Consolation visiter la tombe de ma chère et regrettée Mère, l'ornent de fleurs et y prient dans un silence recueilli. Cela résulte d'une suite de faits facilement explicables. Il y a plus de cinquante ans que je me consacre à des activités en défense de l'Eglise ou de la civilisation chrétienne. Comme le savent bien ceux qui ont eu des relations avec moi, jusqu'à l'année 1967, ma vie se partageait en deux compartiments entièrement étanches : mon domicile, où vivait dans la suave dignité de la vie privée la traditionnelle dame de Sao Paulo dont je m'honore d'être le fils - et d'autre part les valeureux compagnons d'action publique. A tel point, que seulement une demi-douzaine d'entre eux fréquentaient ma maison et que pour les autres ma Mère était une inconnue, ou presque. Pendant l'année 1967, j'ai eu une maladie qui mettait ma vie sérieusement en danger, et ma résidence se remplit alors tout naturellement d'amis. Profondément affligée, ma Mère les recevait tous, malgré son grand âge de 91 ans. Dans cette période difficile, elle leur dispensait un accueil dans lequel transparaissaient sa maternelle affection, sa résignation chrétienne, sa bonté de cœur illimitée et la charmante gentillesse des bons vieux temps du Sao Paulo de jadis. Pour tous ce fut une surprise et aussi, bien naturellement, un véritable enchantement de l'âme. Ces fréquentations durèrent ainsi de longs mois. Ma santé n'était pas encore entièrement rétablie lorsque Dieu rappela à Lui l'âme de ma Mère. C'est à partir de ce moment-là qu'il vint à l'esprit de quelques-uns de demander son intercession auprès de Dieu. Et ils se virent exaucés. Rien de plus naturel alors qu'ils aient fleuri son tombeau en témoignage de respect et de gratitude. Il n'est pas moins normal qu'ils aient raconté ces faits à leurs amis. Et il est également naturel qu'en conséquence le nombre de ceux qui vont prier au cimetière de la Consolation augmente régulièrement. Me revenait-il à moi, son fils, de m'opposer à cela, qui, loin d'être ridicule ou extravagant, est - pour ceux qui ont la Foi - profondément respectable ? Serait-il bienfaisant que je tente par tous les moyens de priver de cet appui moral les personnes tourmentées par les tribulations d'une vie de lutte au milieu de la bourrasque du monde contemporain ? Devant de tels faits auxquels j'ai assisté discrètement sans pour autant les encourager, il ne me restait qu'à me taire respectueux, ému et reconnaissant. J'insiste. A ma place, quel fils ne procèderait pas ainsi ? Tout cela, je viens de l'exposer du point de vue du bon sens et du cœur. Passant à des considérations plus élevées, je veux maintenant parler en termes de Foi et de doctrine catholique. Demander l'intercession d'une personne qui a vécu et est morte pieusement ne signifie pas intrinsèquement et nécessairement proclamer qu'elle ait été une sainte à porter sur les autels. La doctrine catholique enseigne qu'il est légitime aux fidèles de recourir à l'intercession de ceux qui les ont précédés dans la mort "cum signo fidei", spécialement quand par leur conduite ou par leurs paroles ils les ont encouragés à la vertu et les ont ainsi rapprochés de Dieu. C'est sur ce principe général que se fondent, par exemple, les demandes bien connues que les fidèles adressent aux amés du Purgatoire, tout en leur apportant leurs suffrages. C'est ce qui, en des occasions antérieures, se faisait de façon individuelle dans la TFP, en recourant à l'intercession d'associés ou de sympathisants de la TFP morts de maladie ou accidentellement, en visitant leurs sépultures etc. C'est ce qui se fait à l'intérieur et au dehors de la TFP, auprès des restes mortels de personnalités que l'Eglise n'a pas canonisées comme le grand évêque d'Olinda et Recife, Dom Vital, ou l'héroïque Président de l'Equateur, Garcia Moreno, assassiné en haine de la foi. Rien de plus orthodoxe. Pour tout cela, Monsieur le Directeur, je proteste avec toute l'énergie de mon sens de l'honneur et de ma piété filiale, contre le fait que ce quotidien ait traité de la question d'une façon si offensante, sans m'avoir pour le moins consulté auparavant, afin de savoir si j'avais quelque explication raisonnable à donner à ce sujet. Moi qui, plus d'une fois, ai accueilli aimablement des représentants du « Jornal da Tarde » (*), qui me demandaient mon opinion sur divers thèmes. Voilà ce que j'avais à dire. * * * Relisez cette lettre, Monsieur le Directeur ; vous n'y trouverez pas une seule affirmation superflue pour la défense du nom de ma Mère, ou de ce que dans le langage aujourd'hui courant on appellerait mes droits humains. Je veux croire que votre section "Courrier des lecteurs" soit une tribune authentiquement ouverte à tous, et ainsi j 'espère que cette missive y soit publiée. Mais je soumets cette publication à la condition formelle que la présente lettre y soit contenue intégralement. Donc sans suppression d'aucun passage, ni de "résumé" d'aucun morceau. Dans le cas contraire, je m'oppose à ce qu'elle soit publiée. Au cas où « O Estado de S. Paulo » se refuserait à cette publication, je saurai comment agir pour atteindre les objectifs de cette lettre, dans le respect dû à la Loi de Dieu et aux lois des hommes. A présent, ni la TFP, ni moi-même ne disposons des moyens financiers nécessaires pour soutenir une polémique en section publicitaire contre la puissante entreprise de « O Estado de S. Paulo ». Mais je saurai comment m'adresser aux esprits impartiaux et aux cœurs sensibles qui, grâce à Dieu, ne manquent pas dans cet immense et cher Brésil. * * * Je vous envoie la présente par huissier, sans aucune intention de recourir à des mesures judiciaires. Mais seulement pour pouvoir prouver, à tout jamais, qu'au moment approprié j'ai défendu avec la fermeté nécessaire le nom de ma Mère, ma dignité personnelle et la bonne réputation de la TFP. « Beati mortui qui in Domino moriuntur » - « Bienheureux les morts qui meurent en paix avec Dieu » ; la paix de Dieu où elle se trouve, je sais bien que ma chère Mère prie pour moi. Selon son bon cœur sans limite, je sais qu'elle prie aussi pour l'auteur de l'offense. Et qu'elle demande qu'à lui, personne ne fasse le mal fait à elle et à moi. Je suis l'exemple maternel. C'est ce que j'ai à dire à titre de conclusion. Plinio Corrêa de Oliveira
Note de la Rédaction publiée au bas de la lettre du Pr Plinio Corrêa de Oliveira, dans « O Estado de S. Paulo » du 22 Août : Nous ne discuterons pas ce qui touche à la Foi et la doctrine catholique dans cette correspondance. Nous nous limiterons simplement, contraints par la teneur de cette lettre, à préciser qu'il n'est pas nécessaire à son auteur, ni à l'organisation qu'il dirige, de recourir à la Section Publicitaire pour polémiser avec nous, car ces colonnes sont ouvertes à tous, qu'ils soient ou non d'accord avec nous. Cela en premier lieu. Ensuite, il convient de souligner que celui qui dit savoir comment agir dans le cadre de la loi pour sauvegarder ses droits, ne doit pas affirmer, aussitôt après, qu'il n'a pas l'intention de recourir à des mesures judiciaires. Et enfin, il nous reste à dire que, quoique nous n’ayons jamais mené d'offensives contre la TFP, nous avons toujours catégoriquement condamné dans ses actes dogmatiques tous les aspects qui nous ont semblé mériter la critique. L'insulte à la mémoire de sa mère, que l'auteur de la lettre prétend relever, n'existe que dans son esprit, car le texte publié - se référant toujours au rapport au pouvoir des autorités françaises - dit : « le rapport traite aussi de la vénération portée à la mère du Dr Plinio, déjà défunte. La vénération arrive à tel point que beaucoup de militants n'hésitent pas à transformer le "Salve Maria" en "Salve Dona Lucilia, pleine de grâce..." Si ces références, l'auteur de la missive les considère féroces et qu'elles attentent à ses droits humains, alors qu'elles affirment la vénération que les membres de la TFP ont pour Madame sa mère, je laisse le soin aux lecteurs d'en juger. (*) Quotidien du soir de « O Estado de S. Paulo ». |