Albrecht Dürer, nous a laissé cet autoportrait (Autoportrait à 26 ans ; Musée del Prado, Madrid), célèbre non seulement pour la beauté du modèle, mais surtout pour la valeur artistique de l'œuvre.

Nous laissons de côté toute considération esthétique ou artistique, pour considérer la toile du point de vue de l'ambiance, des coutumes et de la civilisation qu'elle reflète. Dürer est un homme de la Renaissance, avec toutes les contradictions, les déviations, les extravagances et les attributs que contient cette appellation. Encore attaché au Moyen Âge, néanmoins sa physionomie ne reflète pas les valeurs surnaturelles d'une âme authentique et profondément chrétienne. Il est entièrement naturel dans tous ses prédicats : intelligence lucide et profondément critique, grande richesse de personnalité, originalité d'esprit incontestable, volonté de fer. En le voyant, on ne dira pas qu'il est chrétien, mais on ne pourra pas nier qu'il est un homme (dans la mesure où cette dangereuse distinction peut être acceptée). C'est ce genre d'hommes que l'Occident du XVIe siècle a produit, formé, honoré et proclamé comme étant le sien de manière frappante et caractéristique.

C omparons les valeurs naturelles (car nous voulons rester strictement sur ce terrain) d'un homme-type de son époque, avec celles qui existent peut-être chez ce jeune homme de nos jours.

Le contraste est tel que la comparaison fait même mal. Ce pauvre être sans profondeur d'esprit, sans personnalité définie, sans principes, sans convictions, sans fibre - qui semble seulement savoir sourire, et sourire sans raison précise - n'a certainement pas les grandes qualités humaines de Dürer. Comparez la distinction de l'un avec le "laisser faire" de l'autre ; le sérieux de l'un et la superficialité profonde et substantielle de l'autre ; la fibre de l'un et les manières de "bon enfant" de l'autre : le contraste ne pourrait être plus grand.

Qui est ce jeune homme ? Il n'est pas anonyme, ni un "délinquant". Au contraire, ses collègues d'une grande université américaine le proclament comme la figure exponentielle - du point de vue de la personnalité et de la sympathie - de l'ensemble des étudiants. C'est le type humain qui attire le plus facilement l'estime, l'intérêt, l'enthousiasme de ceux qui ont une mentalité entièrement formée au goût du XXe siècle.