Chapitre IV
12. Ambiances, coutumes, civilisation
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Le croisé du XXe siècle – Plinio Corrêa de Oliveira, par Roberto de Mattei, avec Préface de S.Em. Alfons Maria card. Stickler S.d.B. - L’Age d’Homme, 1997, Chap. IV, pages 169-172 |
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Plinio Corrêa de Oliveira écrit dans Révolution et Contre-Révolution que “Dieu a établi de mystérieuses et admirables relations entre certaines formes, couleurs, sons, parfums, saveurs et certains états d’âme ; il est clair que par ces moyens l’on peut influer profondément sur les mentalités et conduire les personnes, les familles et les peuples à se former un état d’esprit profondément révolutionnaire”. (1) Ce passage est fondamental pour comprendre la singulière contribution de Plinio Corrêa de Oliveira a la revue “Catolicismo” dans la rubrique Ambiances, coutumes, civilisation, dont beaucoup n’ont pas saisi l’extraordinaire portée. L’ambiance est l’harmonie qui résulte des êtres divers réunis en un même lieu et qui exerce une profonde influence sur les hommes. “Les hommes se forment des milieux à leur image où les mœurs et les civilisations se développent. Mais l’inverse, en général, est aussi vrai : les milieux forment à leur image les hommes, les mœurs, les civilisations” (2). Une preuve de l’importance de l’ambiance pour le développement équilibré de la vie naturelle et surnaturelle est fournie par la sagesse avec laquelle Dieu a ordonné la grande ambiance du créé en laquelle nous sommes immergés, formée par les êtres vivants qui nous entourent : plantes, animaux, et qui à au sommet de la création l’homme, image et ressemblance de Dieu. L’interprétation et les commentaires des physionomies d’hommes exceptionnels, de saints ou de révolutionnaires, furent en ce sens une note constante de la pensée de Plinio Corrêa de Oliveira. La façon d’être d’un homme s’exprime de fait dans la physionomie, l’allure, les traits, et même dans les vêtements dont les mutations sont liées au cours de l’histo1re à celles des personnalités et des types humains (3). “La société parle, pour ainsi dire, — affirme Pie XII — par le vêtement qu’elle porte ; par le vêtement, elle révèle ses aspirations secrètes et elle se sert de lui, au moins en partie, pour édifier ou détruire son avenir” (4). “Puisqu’un vêtement doit être en accord avec la circonstance et la personne qui le porte — note quant à lui le penseur brésilien — chez un homme éminent il doit s’accorder avec sa distinction. Mais Dieu n’a pas, comme enfants, que des hommes éminents. Tout homme, si modeste soit-il, a une dignité propre, naturelle, inaliénable ; mais la dignité du dernier et du plus effacé des enfants do l’Eglise est incomparablement plus grande que celle-là, puisqu’il est chrétien, baptisé et donc membre du Corps Mystique de Notre Seigneur Jésus- Christ” (5). Ainsi, c’est par l’art, par l’urbanisme, par l’architecture, que s’expriment un ensemble d’idées, de tendances, d’aspirations et d’attitudes psychologiques (6). Au vieil ordre médiéval, qui exprimait dans l’architecture gothique l’harmonie de la philosophie scolastique (7), il confronte la Babel moderne. “Le grouillement spécifique des immenses villes modernes, le bruit des machines, le brouhaha des voix des hommes en quête d’or et de plaisirs — de ces hommes qui ne savent plus marcher mais seulement courir ; qui ne savent travailler sans s’exténuer ; qui n’arrivent pas à dormir sans somnifères, ni à se divertir sans excitants ; dont le rire est un gloussement frénétique et triste; qui ne savent plus apprécier les harmonies et la vraie musique à cause des cacophonies du jazz — tout cela est de l’excitation, au milieu du désordre de cette société qui ne retrouvera la vraie paix que lorsqu’elle aura retrouvé le vrai Dieu” (8). Comme les vêtements, le langage, les gestes, les rites, sont aussi des éléments d’une grande importance culturelle et pédagogique pour le bien commun des peuples (9). Il y a une “liturgie” sociale naturelle qui s’exprime dans l’ordre et le faste.
Canonisation de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus (Basilique Saint Pierre, au Vatican) Sur le firmament de l’Eglise se concilient harmonieusement des extrêmes apparemment contradictoires comme la vocation solitaire du moine, inspirée par un total renoncement au monde, et la splendeur des cérémonies pontificales qui manifestaient autrefois le plus grand faste dont le monde fût capable. “Non, entre un ordre de valeurs et un autre il n’y a de contradiction que dans l’esprit égalitaire soumis à la Révolution. L’Eglise, quant à elle, est sainte et se présente comme telle. Elle est parfaite, parce qu’elle sait organiser et stimuler, de son génie surnaturel, les vertus du moine qui rayonnent de sa vie vouée à l’obscurité, et celles qui scintillent dans le cérémonial sublime de la papauté. Plus encore. Ces deux ordres s’équilibrent. Nous pourrions peut-être dire qu’un extrême (dans le bon sens du mot) compense l’autre et que les deux s’harmonisent entre eux. Le fond doctrinal sur lequel ces deux extrêmes se touchent et s’harmonisent est très clair. “Dieu Notre Seigneur nous a donné les créatures afin qu’elles nous servent d’intermédiaires pour arriver à sa connaissance. Aussi, il faut que l’art et la culture, inspires par la foi, mettent en évidence toutes les beautés de la création irrationnelle, ainsi que les splendeurs du talent et de la vertu de l’âme humaine. Nous appelons cela culture et civilisation chrétiennes. Elles forment les hommes dans la vérité et dans la beauté, dans l’amour du sublime, de la hiérarchie et de l’ordre qui reflètent la perfection de Celui qui créa l’univers. Par conséquent, les créatures nous servent réellement d’aides pour notre salut et concourent à la gloire divine.
“Mais, par contre, elles sont contingentes, éphémères : Dieu seul est absolu et eternel. Rappelons-le, parce qu’il est bon de s’éloigner des êtres crées, avec mépris, pour ne penser qu’au Seigneur. Considérer tout ce que sont les créatures, nous fait monter jusqu’a Dieu. Considérer tout ce que les créatures ne sont pas, nous fait arriver aussi à Dieu. L’Eglise invite ses enfants a emprunter simultanément l’une et l’autre de ces voies. Considérons donc à la fois le spectacle sublime des pompes ecclésiastiques et les admirables renonciations qu’elle seule sait inspirer et mener à sa réalisation” (10). Notes : (1) P. CORRÊA DE OLIVEIRA, Révolution et Contre-Révolution, cit., p. 72. (2) P. CORRÊA DE OLIVEIRA, Sede prudentes como as serpentes e simples como as pombas, dans “Catolicismo”, n. 37 (janvier 1954). (3) P. CORRÊA DE OLIVEIRA, Indumentária, hierarquia e igualitarismo, dans “Catolicismo”, n. 133 (janvier 1962) ; ID., O hábito e o monge, dans “Catolicismo", n. 62 (février 1956). (4) PIE XII Discours De tout Cœur du 8 novembre 1957, dans DP (1957), p. 664. (5) P. CORRÊA DE OLIVEIRA, Dignidade e distinção para grandes e pequenos, dans “Catolicismo”, n. 33 (septembre 1953). (6) P. CORRÊA DE OLIVEIRA, O espírito cristão e O espírito pagão manifestados pela arquitetura, dans “Catolicismo”, n. 7 (juillet 1951). (7) Cf. ERWIN PANOFSKY, Architecture gothique et pensée scolastique, tr. fr. Editions de Minuit, Paris 1967. (8) P. CORRÊA DE OLIVEIRA, Tranquilidade da ordem, excitação na desordem, dans “Catolicismo”, n. 110 (février 1960). (9) P. CORRÊA DE OLIVEIRA, Têm os símbolos, a pompa e a riqueza uma função na vida humana ?, dans “Catolicismo”, n. 82 (octobre 1957). Sur le thème du cérimonial du pouvoir pontifical, cf. aussi les deux études Por que o nosso mundo pobre e igualitario se empolgou com o fausto e a majestade da coroação ?, dans “Catolicismo”, n. 27 (mars 1953) et n. 31 (juillet 1953). (10) P. CORRÊA DE OLIVEIRA, Pobreza e fausto : extremos harmônicos no firmamento da Igreja, dans “Catolicismo”, n. 96 (décembre 1958). |