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Plinio Corrêa de Oliveira
En France,
le poing étrangle la rose
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Le poing et la rose…
Un poing, qui serait bien plus adapté à la boxe, tient, prêt à l’écraser, une rose qui s’épanouit légère et gracieuse comme si de rien n’était. Il n’est pas commode d’expliquer un symbole « héraldique » tellement hétérogène. S’agirait-il du prolétariat marxiste guidant un pays qui fleurit en toute liberté ? Peut-être. En tout cas, si c’est dans cet esprit qu’il a été conçu, on pourrait difficilement en imaginer de plus approprié. En effet, il exprime fort bien les espoirs de liberté que le « socialisme à visage humain » s’applique tant à susciter. On trouve également quelque chose d’obscur et de contradictoire dans ces symboles. Ce poing agressif et brutal semble incompatible avec la fleur, comme un coup l’est avec une rose. On en vient à penser qu’un tel poing ne saurait manquer d’écraser la rose ; et que si la rose elle-même pouvait penser, elle sursauterait au contact d’un pareil poing, en perdrait son sourire et commencerait à se flétrir. Il n’en va pas autrement des rapports du socialisme avec une liberté authentique et harmonieuse. Malgré toutes ses promesses, dès qu’il la touche, il tend à l’étrangler. Bien avant que ne soit écoulée la première année du gouvernement autogestionnaire français, il est déjà à craindre que cela soit en train de se passer dans ce grand pays. En ce moment où le gouvernement Mitterrand, fort du soutien socialo-communiste, se met à propager l’autogestion dans tout l’Occident, il est opportun de le faire remarquer. Cette hypothèse semble d’ailleurs confirmée par un fait concret récent. Il concerne précisément une des libertés que les naïfs s’attendaient le plus à voir respecter et que le gouvernement Mitterrand promettait hautement de garantir : la liberté de presse. Les treize Associations pour la Défense de la Tradition, de la Famille et de la Propriété sont en train de publier dans de grands journaux de quinze pays (Allemagne, Argentine, Bolivie, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Equateur, Espagne, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Italie, Portugal, Uruguay et Venezuela) un Message d’alerte sur l’incompatibilité qui existe entre les principes immuables de la civilisation chrétienne et la réforme autogestionnaire annoncée aux Français par le PS lors des élections de 1981. Réforme graduelle il est vrai, mais néanmoins totale, qui a en vue la destruction du droit de propriété individuelle sur la terre, l’entreprise et l’école privée, l’introduction du principe autogestionnaire dans la famille pour dresser les enfants contre leurs parents, pour aboutir en fin de compte à régler les loisirs, l’aménagement du foyer et jusqu’à la personnalité de chaque Français.
En aucun des pays susmentionnés les TFP n’ont rencontré d’obstacle pour la divulgation de leur Message comme publicité. Partout les organes de presse leur ont été ouverts. De plus, aucune de ces publications ne s’est sentie engagée par là, entièrement ou en partie, avec une pensée qui n’était pas la leur. Leur conduite était d’ailleurs rigoureusement en accord avec les principes démocratiques dont elles se réclament. Il aurait été naturel que dans les grands quotidiens français – fiers eux aussi de ces mêmes principes démocratiques – le Message des TFP eût été également bien reçu. Or, les TFP firent précisément l’amère expérience du contraire. C’est pourquoi elles sentent le devoir d’en informer non seulement le public français, mais aussi celui de tous les pays où le Message a été publié. Le Message des TFP – au ton élevé et sérieux – a été offert à la publicité de six grands quotidiens français d’un tirage de plus de cent mille exemplaires, exception faite de ceux d’une tendance socialiste ou communiste affichée. Cependant, ils s’y refusèrent tous. Refus d’autant plus inexplicable que : a) Ces organes de publicité, fiers de leur conduite démocratique, et qui plus est, ne s’accordant pas entre eux sur plusieurs points importants, se sont retrouvés avec une unanimité déconcertante tous d’accord pour refuser. Les TFP se voient donc empêchées de la sorte de publier, sur le sol français, leur opinion contraire au socialisme autogestionnaire ; b) Il faut ajouter que deux de ces journaux s’étaient engagés formellement à publier le Message des TFP le 15 décembre passé (publication qui fut ajournée au dernier moment par la TFP française, l’attention du public étant alors retenue par les événements de Pologne). – Engagement qui fut pris à tel point au sérieux de part et d’autre qu’il permit d’effectuer en entier le paiement de la somme convenue à une agence de publicité, le 11 décembre. – Malgré toutes ces démarches, les deux journaux en question prévenaient la TFP, le 6 janvier, par l’intermédiaire de cette agence de publicité, qu’ils se refusaient à honorer l’engagement pris. Aucun motif n’a été invoqué ; c) Un pareil procédé, caractérisant une rupture arbitraire de contrat, expose évidemment la société éditrice de ces deux journaux à une action en dommages et intérêts. Or, pas même la perspective d’un tel préjudice ne l’a fait changer d’attitude ; d) La publication payée constitue un des revenus les plus courants pour une entreprise de presse, y compris bien entendu, pour celle dont on vient de parler. L’ampleur du Message serait un motif de plus pour le publier. Ce refus va contre les intérêts d’une entreprise de presse en tant que telle.
Alors une question s’impose : pour quelle raison un tel front commun de refus s’est-il constitué, restreignant ainsi la liberté des treize TFP en France ? Une seule explication semble plausible. En tant qu’organisations privées, ces sociétés éditrices propriétaires de journaux peuvent être mises, d’un moment à l’autre, par simple décision de la majorité parlementaire socialo-communiste, sur la liste des entreprises à rendre autogestionnaire. Dans ce cas, les propriétaires actuels de ces entreprises se verraient attribuer de simples fonctions de gérance, s’ils n’étaient pas complètement exclus de l’entreprise. Est-il donc étonnant que ces organes de presse refusent aux TFP la liberté d’expression qu’ils sentent atteinte en eux-mêmes – tout au moins potentiellement ? Quelle liberté d’expression existe-t-il effectivement sous un régime où chaque propriétaire a une épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête par le gouvernement ? Quel que soit en fait le degré de véhémence consenti aux organes de l’opposition, leur situation en droit n’en est pas moins celle de Damoclès sous l’épée. Il est d’ailleurs parfaitement compréhensible qu’une opposition tapageuse ne soit pas aussi gênante pour un gouvernement, qu’une autre qui, tout en étant exprimée avec courtoisie et sérénité, soulève quelques thèmes délicats qui ont échappé à certains courants d’opinion. Or, le Message des treize TFP met le doigt justement sur certaines plaies douloureuses, dont le grand bloc électoral catholique – qui a été d’un poids décisif pour les socialistes aux élections de 1981 – ne s’est pas rendu compte. Par exemple, quand il soulève le problème de l’incompatibilité irrémédiable du régime autogestionnaire compulsif avec la véritable Doctrine de l’Eglise, concernant le caractère, individuel par nature, du droit de propriété. Ou encore, lorsqu’il dénonce la doctrine et le programme du Parti Socialiste, qui prétend assimiler le mariage à l’union homosexuelle.
Il n’est pas dans le dessein des TFP de polémiquer avec ces journaux, conditionnés de la sorte par le Moloch autogestionnaire socialiste. Ce Communiqué a seulement pour objectif de faire sentir au public des plus grands pays du Monde Libre, combien la liberté semble déjà restreinte au début même du régime socialiste autogestionnaire. Constatation qui a pour but de mener chaque citoyen du Monde Libre à craindre pour sa propre liberté individuelle, au cas où le socialisme autogestionnaire serait implanté dans son pays. On est ainsi amené à supposer qu’un rideau enveloppe la France d’aujourd’hui. Il n’est pas de fer, ni de bambou, mais c’est bien le rideau impalpable du silence publicitaire qui tend inexorablement à devenir complet. C’est ce fait que les TFP portent ici à la connaissance de tout l’Occident. Une demande de publication de ce Communiqué sera présentée à ces mêmes journaux français. Au cas où toutefois un nouveau refus en série interviendrait, il est du souhait des TFP que la diffusion de ce Communiqué hors de France parvienne à le rendre connu d’une bonne partie du peuple français ; et qu’il puisse ouvrir les yeux de l’Occident à tout ce qu’il y a de contradictoire et d’impraticable dans la promesse autogestionnaire du socialisme dans la liberté. Cette constatation est d’une grande portée ; car si l’on fait abstraction de sa promesse de liberté, il ne reste au régime autogestionnaire que ses points d’affinité avec le communisme.
Le Message des treize TFP sur le socialisme autogestionnaire est en train de faire largement son chemin de par le monde. Au long de celui-ci, il a tout rencontré : haines acharnées, critiques sans fondements, mutismes inexplicables, d’anciennes et lumineuses solidarités, que jamais la peur n’a déshonorées, d’innombrables adhésions nouvelles, certaines d’entre elles inattendues et magnifiques. Sur ce chemin, le présent Communiqué constitue une étape de plus. Tout comme le Message, il ne concerne pas seulement le socialisme autogestionnaire mais aussi le communisme. De tout cela et de tout ce qui s’ensuivra, on écrira un jour l’histoire. L’histoire épique d’un des suprêmes efforts entrepris « in signo Crucis », afin d’éviter à la Civilisation occidentale agonisante l’effondrement final vers lequel on la voit s’abandonner. La tactique communiste consiste à faire le silence lors des grandes campagnes entreprises pacifiquement sur un plan doctrinal par les TFP. Mais, d’ordinaire, peu après surviennent des offensives publicitaires à caractère non doctrinal, qui prennent pour prétexte des déformations ou des calomnies invraisemblables. La même chose se répétera-t-elle cette fois-ci ? Qui vivra verra.
São Paulo, le 11 février 1982 Fête de Notre Dame de Lourdes Pour la TFP brésilienne, ainsi que – avec délégation expresse – pour les TFP et associations similaires de France, Argentine, Bolivie, Canada, Chili, Colombie, Equateur, Espagne, Etats-Unis, Portugal, Uruguay et Venezuela. Plinio Corrêa de Oliveira Président du Conseil National de l’Association Brésilienne pour la Défense de la TRADITION, DE LA FAMILLE ET DE LA PROPRIETE Le socialisme autogestionnaire par rapport au communisme : obstacle ou tête-de-pont ? (de six pages de journal) a été publié dans la presse de 52 pays. L’impact causé par la publication dans le monde entier de cette dénonciation a certainement été un facteur décisif dans le déclin du socialisme autogestionnaire. |