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Plinio Corrêa de Oliveira
Troisième Partie
Chapitre I
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Titre original: Em Defesa da Ação Católica Publié par Edições "Ave Maria", São Paulo, Brésil, 1943 (1ère édition) En Défense de l’Action Catholique, préfacé par Son Excellence Mgr Benedetto Aloisi Masela, Nonce Apostolique au Brésil, 1943. La lettre d’éloges, adressée à l’auteur au nom du Pape Pie XII par Mgr Jean-Baptiste Montini, alors Substitut du secrétaire d’Etat et futur Paul VI, constitue une appréciation éloquente, de la part de l’autorité ecclésiastique suprême, des dénonciations faites par ce livre. |
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De nouveaux concepts sur les mouvements laïcs catholiques Si nous analysons en profondeur les critiques formulées dans certains milieux de l'Action Catholique concernant l'organisation et les méthodes de formation et d'apostolat des confréries religieuses existant jusqu'à présent, on remarquera qu'elles peuvent être divisées en deux groupes. Quelques-unes s’adressent à des défauts extrinsèques, qui n'existent pas en raison des buts et des statuts des associations, mais plutôt malgré eux : une certaine routine dans les activités, une certaine superficialité de la formation, et ainsi de suite. De toute évidence, beaucoup de ces critiques sont souvent vraies et n'ont rien de répréhensible lorsqu'elles sont faites par une personne autorisée et conformément aux exigences de la bienséance ecclésiastique. D'autres critiques, cependant, touchent à la structure et aux finalités mêmes de l'association et, en s’attaquant précisément à ce qui l'Autorité a approuvé, elles attaquent implicitement l'autorité elle-même. Ce qui est particulièrement dangereux dans cette seconde forme de critique, c’est qu'elle implique l'affirmation que l'Action Catholique devrait soigneusement éviter de telles « erreurs ». Or, ces «erreurs» ne sont souvent rien de plus que des précautions hautement salutaires, dont la sagesse de l'Eglise avait entouré les associations avant l'Action Catholique, et que cette dernière devrait conserver si elle ne veut pas mourir torpillée par le modernisme.
a) En ce qui concerne diverses dévotions C'est une grave erreur que de prétendre que les associations fondées pour vénérer un saint donné, comme par exemple Notre-Dame, courent le risque de transmettre une vision fragmentaire et bornée de la piété, jetant de l’ombre sur le caractère « christocentrique » que doit évidemment avoir toute vie spirituelle. Pourtant, certains prétendent que l'Action Catholique devrait être moins pressante que d'autres associations s'agissant du culte des saints. L'argument parfois donné, selon lequel dans certaines associations la dévotion au saint patron jette de l’ombre sur la figure adorable de Notre Seigneur, est sans valeur. Toutes les choses, même les meilleures, peuvent être sujettes à des interprétations erronées ou à des abus, non à cause d'un défaut intrinsèque, mais en raison des défauts de ceux qui les utilisent. Personne, par exemple, n'irait contre la vénération des images simplement parce que des rustauds dans l'arrière-pays les brisent lorsque leurs prières restent sans réponse. De toute évidence, la sainte Eglise, en approuvant, bénissant et recommandant la création de telles associations dans le Code de Droit canonique, dans de nombreux actes officiels de son magistère et gouvernement, et même récemment, au sein du Conseil Plénier Brésilien, prévoyait des abus, et pourtant elle ne recula pas dans sa ligne de conduite, précisément pour la raison que nous avons indiquée. Ne tombons pas dans la position tout à fait ridicule de prétendre être plus « centrés sur le Christ » que l'Église, une nouvelle et malheureuse façon d'être « plus catholique que le Pape ». Dans une telle logique, on pourrait se retrouver à critiquer Notre Seigneur Jésus-Christ pour avoir institué la Sainte Eucharistie, qui deviendrait l'objet de tant de sacrilèges. Contrairement aux confréries, l'Action Catholique n'existe ni seulement, ni principalement, pour la vénération d'un saint patron. Mais cela ne l'empêche pas d'avoir des saints patrons auxquels ses membres peuvent et doivent rendre la dévotion la plus ardente, publiquement et sans bornes, sans toutefois confondre Action Catholique et confrérie. D'autres critiques fréquemment lancées contre les associations traitent spécifiquement de leurs statuts, notamment certaines coutumes instituées, comme, par exemple, celle de pratiquer des actes de piété en commun, périodiquement, etc. Toute contrainte exclue, la pratique de ces actes a été toujours louée par l'Eglise, et cela pour des raisons évidentes.
b) A l’égard des actes périodiques de piété en commun Conformément à la promesse divine, les actes de piété pratiqués en commun attirent plus de grâces. D'autre part, la présence simultanée de plusieurs personnes pour la pratique démonstrative de ces actes, agit comme un stimulant mutuel et édifie considérablement le public. Quelle magnifique impression est produite dans une paroisse, par exemple, lorsque les associations de jeunes hommes se présentent en masse à la table de communion. Quant à la périodicité de ces actes, tant qu'elle n'implique aucune violence pour les droits des consciences, elle porte les plus heureux résultats. En effet, elle approfondit les racines des habitudes salutaires, qui constituent une garantie précieuse de la persévérance et la régularité dans la vie spirituelle. Pour toutes ces raisons, aucun principe ne peut invalider ces pratiques, très louables à tous points de vue. Et nous ne voyons pas pourquoi l'Action Catholique ne pourrait pas les adopter. La Jeunesse Catholique Universitaire de São Paulo les a adoptées depuis sa fondation, et a toujours obtenu, par conséquent, d'excellents résultats. Ces réflexions nous rappellent le cas véritable d’un curieux dialogue entre un membre d'un ordre religieux et un « progressiste » membre de l'Action Catholique. Ce dernier soutenait que l'assujettissement à des actes obligatoires en commun, à une règle de vie, etc., entraînait une diminution de l'autonomie, et, implicitement, de la dignité humaine. Le religieux lui répondit que, pour être cohérent, il devrait alors considérer comme des esclaves indignes tous les religieux du monde, car ils sont soumis, en vertu de règles approuvées par la sainte Eglise, à une règle de vie ainsi qu’à des actes périodiques de piété. Voilà ce qui serait, en effet, la conséquence ultime de tels principes.
c) Quant à la promotion de la sociabilité intime entre ses membres la nécessité d'un centre de loisirs Il n'est pas vrai qu’il soit erroné pour une association d'avoir un centre à des fins récréatives, où ses membres se réunissent pendant leur temps libre. Le principe justifiant cette pratique est fondé, en dernière analyse, sur la sociabilité naturelle de l'homme. La philosophie nous dit que la nature de l'homme le conduit à vivre en compagnie de ses semblables. La tendance à fréquenter un milieuconforme à ses goûts, ses tendances et ses idées est inhérente à la sociabilité, au moins pour la grande majorité des hommes. Toute sociologie élémentaire a cette règle ; pour le démontrer, il suffit d'observer les motifs qui inspirent la création de la plupart des associations profanes de tout bord. Inversement, si l'homme ne fréquente pas un milieu conforme à ses convictions, la sociabilité l'amène à s'adapter au milieu dans lequel il se trouve, assimilant, autant que possible, la façon de penser et de ressentir, ou tout au moins instituant intérieurement certains « compromis » dont la conséquence ultime sera une complète adaptation. En paraphrasant Pascal, on pourrait dire que l'immense majorité a une inclinaison impérative « à conformer ses idées avec l'ambiance quand l'ambiance n'est pas en accord avec ses idées ». Obligé par les nécessités multiples, domestiques, économiques, etc., à fréquenter les ambiances les plus variées, et à vivre la plupart de leur journée dans des atmosphères de plus en plus profondément infectées par le paganisme, les catholiques actuels ne devraient pas se limiter à une attitude purement défensive, mais plutôt déployer fièrement l'étendard du Christ partout. Voilà ce qu'est faire de l'apostolat « dans son ambiance », comme l'a prôné Pie XI avec tant d'insistance et si vigoureusement. Seule une personne absolument naïve, qui n'a jamais fréquenté certains milieux professionnels ou domestiques de notre temps, ou qui n'a jamais déployé l'étendard du Christ avec une sincère et courageuse intrépidité, pourrait ignorer l'énergie surhumaine qu’exige un tel comportement. Nous connaissons le cas concret d'un jeune homme qui a dû recourir à l'usage de la force physique pour garder sa pureté dans une atmosphère qui, en soi, serait inoffensive. Alors, il est humain, naturel et indispensable que l'enthousiasme usé par la lutte et les énergies épuisées dans la bataille, soient renouvelés par la fréquentation d'une bonne ambiance où les âmes peuvent s’ouvrir et se recomposer à l'ombre de la sainte Mère Eglise, et où l'édification mutuelle peut restaurer la force de tous. Il serait faux de croire que, ce faisant, les catholiques se détournent du monde et cessent de remplir leur devoir d'apostolat. C'est précisément pour qu'ils puissent mieux s'acquitter de cette obligation, que ces centres de détente et de restauration des forces sont mis en place. « Le sel a besoin d’être mélangé à la masse qu’il doit préserver de la corruption, en même temps que lui-même se défend contre elle, sous peine de perdre toute saveur et de n’être plus bon à rien qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds ».(1) Cette vérité est si importante que l'Église, toujours sage, ne s'est pas satisfaite de donner sa meilleure autorisation aux initiatives de ce genre, mais d'une certaine manière, elle a disposé sa confiance en l'action des bons milieux et sa crainte des mauvais au point ultime de retirer complètement de la sociabilité du monde ceux qui sont destinés à la milice sacerdotale. Le Droit canonique recommande même que l'évêque fasse ses meilleurs efforts pour s'assurer que même les prêtres séculiers vivent ensemble dès que possible. Quelle est la raison de cette mesure, sauf à protéger les prêtres contre les dangers des milieux mauvais ou pour le moins tièdes ? Et si cette précaution existe en faveur des âmes si ferventes et douées d'une grâce d’état particulière, qu'en est-il de simples laïcs ? Par conséquent, nous croyons que l'Action Catholique non seulement peut, mais aussi qu'elle devrait utiliser ce splendide mode de formation que personne ne saurait attaquer sans témérité.
d) Concernant les règles relatives à l’habillement, aux modes etc. De même, il n'y a pas le moindre fondement pour affirmer que l'Action Catholique ne devrait pas soumettre ses membres à des règles spéciales au sujet de l’habillement, de la mode, etc. L'argument allégué au nom de cette imprudente innovation est que ces règles sont incompatibles avec la dignité humaine, parce qu'elles constituent une entrave à la liberté. Certains en concluent que contrairement aux associations auxiliaires, l'Action Catholique doit tendre vers une suppression intransigeante de ces règles. Si, en revanche, quelqu’un dit que l'Action Catholique doit exceller par son exemple, ils répondent, en fonction de l'interlocuteur, avec deux arguments différents. Parfois, ils font valoir que l'Action Catholique doit s'adapter aux mœurs modernes de peur qu'elle ne perde son influence dans les milieux où elle travaille, et donc rende son apostolat impossible. D'autres fois, ils affirment que les règles de conduite sont superflues et irritantes ; que l'Action Catholique doit faire porter spontanément à ses membres une tenue adaptée comme conséquence de profondes convictions ancrées en eux, mais jamais par l'application de règles purement extérieures à valeur purement coercitive. C'est pourquoi ils voient la nécessité d'imposer des règles de pudeur comme étant la conséquence d'une formation échouée. Cependant, si nous analysons leur premier argument, nous voyons que, au contraire, ces règles constituent un moyen précieux de formation. Saint Thomas clarifie cette question de façon tout-à-fait lumineuse lorsqu'il parle, dans la Somme Théologique, I-II, q.95, a.1 de « L’utilité de la loi humaine ». Examinons la question, laissant pour un autre chapitre la tâche de réfuter l'allégation que l'Action Catholique doit capituler devant les coutumes modernes si elle ne veut pas être stérile. Quant à l'utilité et la nécessité des lois, le Docteur Angélique écrit : « Il ne semble pas utile que les hommes légifèrent ». Car, Première objection : « L’intention de quiconque porte une loi, en effet, est que par elle les hommes deviennent bons, comme on l’a dit. Mais les hommes sont amenés par des conseils à vouloir le bien, plutôt qu’en étant contraints par des lois ». Solution : « Il ressort de ce qui précède qu’il y a dans l’homme une certaine aptitude à la vertu ; mais quant à la perfection même de la vertu, il faut qu’elle soit donnée à l’homme par un enseignement. Ainsi voyons-nous que c’est aussi par son ingéniosité que l’homme pourvoit à ses besoins, par exemple pour la nourriture et le vêtement. La nature lui en fournit les premiers éléments, à savoir la raison et les mains, mais non l’utilisation parfaite, ainsi qu’elle le fait pour les autres animaux, auxquels elle a procuré de manière suffisante vêtement et nourriture. Mais quant à cet enseignement dont il vient d’être question, l’homme ne saurait aisément se suffire à lui-même. De fait, la perfection de la vertu consiste surtout à éloigner l’homme des plaisirs défendus, auxquels l’humanité est principalement portée, en particulier la jeunesse, pour laquelle l’enseignement est plus efficace. C’est pourquoi il faut que les hommes reçoivent d’autrui cette sorte d’éducation par laquelle on peut arriver à la vertu. Certes, pour les jeunes gens qui sont portés à être vertueux par une heureuse disposition naturelle ou par l’habitude, et surtout par la grâce divine, il suffit d’une éducation paternelle qui s’exerce par les conseils. Mais, parce qu’il y a des hommes pervers et portés au vice, qui ne peuvent guère être aisément touchés par des paroles, il a été nécessaire que ceux-ci fussent contraints par la force et la crainte à s’abstenir du mal, de telle sorte qu’au moins en s’abstenant de mal agir, ils garantissent aux autres une vie paisible. Et puis, pour eux-mêmes, ils se voient amenés par une telle accoutumance à accomplir de bon gré ce qu’ils ne faisaient auparavant que par crainte ; et ainsi ils deviennent vertueux. Cette éducation qui corrige par la crainte du châtiment est donnée par les lois. Aussi fut-il nécessaire pour la paix des hommes et leur vertu de porter des lois. Parce que, dit le Philosophe, « l’homme, s’il est parfaitement vertueux, est le meilleur des animaux ; mais s’il est privé de loi et de justice il est le pire de tous ” ; car l’homme possède les armes de la raison, dont les autres animaux sont dépourvus, pour assouvir ses convoitises et ses fureurs ». De toute évidence, la loi ou les règlements internes de l'Action Catholique comme de toute autre association se distinguent du droit civil – le sujet traité ci-dessus par le Docteur Angélique - dans la mesure où l'on ne peut pas échapper à l’empire du droit civil, alors que n'importe qui peut échapper à l'action de la réglementation en démissionnant de l’association. Néanmoins, l'amour pour les idéaux de l’association et les bénéfices spirituels qu’elle fournit, la crainte des dangers auxquels s'expose l'âme lors de sa sortie d'un environnement sain et édifiant, la crainte de déplaire à des personnes respectables et dignes d'estime, tout cela concourt à faire une telle démission difficile et parfois très difficile, et donc l'argument de Saint Thomas, dans ce cas concret, conserve une valeur décisive. En outre, si l'Eglise pensait autrement, il faudrait brûler le Code de Droit canonique ainsi que les règles de tous les ordres religieux. C'est un fait que la véritable vertu provient des dispositions intérieures, et donc toute association, et notamment l'Action Catholique, doit avant tout former les âmes de l'intérieur, en leur donnant les connaissances et les moyens de fortifier la volonté pour y arriver. L'existence de règles comportant des interdictions relatives au comportement et la façon de s'habiller, aide puissamment cette formation, non seulement comme conséquence de ce que Saint Thomas dit sur la valeur éducative de la loi, mais encore parce qu'elle clarifie les questions concrètes dont même les âmes les plus zélées ont parfois du mal à trouver le juste milieu entre le scrupule et le laxisme. Saint Thomas d'Aquin traite indirectement cette question, lorsqu'il dit dans la Somme Théologique, I-II, Q.95, a.1 : Seconde objection : Aristote écrit : « Les hommes recourent au juge comme au droit vivant ». Or la justice vivante est supérieure à la justice inanimée telle qu’elle est contenue dans les lois. Donc il eût été mieux que l’exécution de la justice fût confiée à la décision des juges plutôt que d’être réalisée par une législation ». Réponse : Le Philosophe écrit : « Il est préférable de tout régler par la loi plutôt que de tout abandonner à la décision des juges. «Il y a trois motifs à cela. - 1° Il est plus aisé de trouver quelques sages qui suffisent à porter de justes lois que d’en trouver un grand nombre pour juger droitement les cas particuliers. - 2° Les législateurs considèrent longtemps à l’avance ce qu’il faut établir par la loi, tandis que les jugements portés sur les faits particuliers s’inspirent de cas soulevés à l’improviste. Or l’homme peut voir plus aisément ce qui est juste à la lumière de nombreuses expériences qu’en face d’un cas unique. - 3° Les législateurs jugent pour l’ensemble des cas et en vue de l’avenir ; tandis que dans les tribunaux, les juges décident de cas actuels, vis-à-vis desquels ils sont influencés par l’amour, la haine, la cupidité. C’est ainsi que leur jugement est faussé. « Donc la justice vivante qu’est le juge ne se rencontre pas chez beaucoup d’hommes, et elle est changeante. C’est pourquoi il a été nécessaire de déterminer par la loi ce qu’il fallait juger dans le plus grand nombre de cas possible et de laisser peu de place à la décision des hommes ». En effet, c'est en vertu de ce même principe que nous devrions, par des lois et règlements, empêcher à l'Action Catholique et à d'autres associations religieuses, de laisser chaque membre décider de questions très délicates, devenant par-là même à la fois juge et partie au litige. Donnons un exemple concret. La Fédération Mariale Féminine de São Paulo a estimé nécessaire de prescrire des règles vestimentaires pour les Filles de Marie. Ella a été poussée à le faire avant tout par un désir de régler des questions complexes qui se posent en pratique quant à adopter un habit approprié. A cette époque, le directeur de la Fédération était l’abbé José Gaspar de Affonseca e Silva, plus tard « ad maiora vocatus ».(2) L'établissement de ces règles, qu'il est utile de retranscrire, a largement absorbé l'attention de leur illustre auteur, ce qui prouve bien que les problèmes résolus n’étaient donc pas à la portée de n'importe qui. De ce travail résulta un document d’un rare équilibre et d’une grande utilité. Les Filles de Marie ont été ainsi dotées d'un moyen de sanctification qui était nécessaire non pas à cause d'un manque de formation intérieure, mais qui, au contraire, était impératif en tant que seul moyen de remplir concrètement les élans généreux soulevées par la formation intérieure. Nous transcrivons ici le savant et prudent document : « A) Les Modes a) la mode doit être en conformité absolue avec la modestie chrétienne, toute exagération exclue, même en ce qui concerne le maquillage ; b) pour la réception des sacrements, ainsi que chaque fois que le Saint-Sacrement est exposé, des manches longues jusqu’aux poignets sont nécessaires. c) dans toutes les autres circonstances les manches courtes sont tolérées, tant qu'elles n'atteignent le coude ; d) par conséquent, une fille de Marie ne sera jamais autorisée à porter une robe sans manches. B) Les loisirs Une Fille de Marie doit autant que possible participer à des fonctions sociales seulement en compagnie de sa famille. a) Bals et danses : dans les conditions mentionnées ci-dessus, les bals de famille sont tolérés ; la danse est permise exclusivement en respectant les règles intrinsèques de la pudeur. b) Les plages : la Fille de Marie doit, à toutes les plages de baignade, préserver la plus haute distinction possible, comme requis par le titre dont elle est honorée. Elle sélectionnera ses vêtements avec du bon sens, et en aucun cas n'abandonnera son peignoir lorsqu'elle sera hors de l'eau. Dans aucune autre occasion il ne lui est permis de négliger l'utilisation de chaussettes ou d'en utiliser des courtes. c) Piscines : Il est expressément interdit pour une fille de Marie de prendre part aux bains mixtes dans les piscines. d) Yacht ou clubs de natation : Compte tenu de la promiscuité inévitable des yachts de plaisance et clubs de natation, il est interdit pour une fille de Marie de rejoindre leurs cadres sociaux. e) Carnavals : Il est expressément interdit pour une fille de Marie de participer à des danses de carnaval et aux groupes de carnaval de rue, ainsi que de porter des habits d'homme ou tout déguisement qui pourrait offenser, même légèrement, les règles de la décence. Paragraphe unique : il est toujours interdit à une fille de Marie, en toutes circonstances, de porter des costumes masculins. L'interdiction de pyjamas s'étend également aux plages publiques. Note : Si une Fille de Marie arrive à se trouver dans l'impossibilité de remplir à la lettre un de ces règlements, après consultation de son propre confesseur, elle doit présenter le cas au Très Révérend Directeur de sa Pieuse Union, qui lui donnera la solution qu'il considère la meilleure, en prenant soin, toutefois, de communiquer cette solution à la Fédération de son diocèse. Autrement, la faute commise entraîne l'exclusion immédiate de la Fille de Marie de la Pieuse Union. Le Conseil, ayant été informé de l'exclusion d'une fille de Marie, doit mettre en œuvre la même mesure avec une grande élévation d'esprit, ne permettant d’aucune façon que des commentaires peu charitables soient faits à son égard. Les administrateurs doivent s’efforcer de développer un apostolat intense envers la coupable, afin qu'elle puisse être conduite à des sentiments meilleurs, et éventuellement la ramener au troupeau marial après une nouvelle période de noviciat ». *** L'utilité de ces règles est évidente. En effet, le but de la loi est non seulement d’éclairer mais aussi de mettre en ordre et de punir. Il est juste, digne d'éloges et raisonnable que les membres d'une association donnée choisissent de ne pas se placer à l'extrême limite suggérée ou tolérée par la morale, mais plutôt décident de réagir contre l’influence des ambiances païennes non seulement par l'utilisation exclusive de ce qui est licite, mais en allant même jusqu'à ne se vêtir que conformément aux coutumes les plus sévères et rigoureuses en matière de pureté. Alors, il est naturel pour une telle organisation d’avoir le droit d'exiger de ses membres le respect des règles qui constituent sa finalité. Seul un tempérament nettement sensible pourrait se sentir blessé par une telle chose. Enfin, seulement en acceptant une action magique ou mécanique de la sainte liturgie, peut-on imaginer qu'aucun des membres de ces associations ne saurait jamais transgresser la modestie de leur habillement ou de leur comportement. Comment une association peut-elle se défendre, si ce n'est en punissant le membre coupable ? Comment peut-on établir une peine sans une loi préalable ? Le Saint-Siège a donc exagéré avec nous. La Sacrée Congrégation du Concile, sous le pontificat de Pie XI, par un document du 12 janvier 1930 décréta que : « I. Chaque fois que l'occasion se présente, curés et prédicateurs devraient insister, réprimander, menacer et exhorter les fidèles, selon les paroles de saint Paul, afin que les femmes s'habillent d'une manière qui transpire la modestie et soit l'ornement et la sauvegarde de la vertu ; (...) III. Les parents devraient interdire à leurs filles de participer à des exercices publics et aux concours de gymnastique et, si leurs filles sont contraintes à une telle participation, ils doivent veiller à ce qu’elles s’habillent d'une manière qui respecte la pudeur, et ne tolèrent jamais un vêtement immoral. (...) VII. Il faut établir et propager des associations féminines dans le but de contenir avec leurs conseils, exemple et actes, les abus contraires à la modestie chrétienne dans la façon de s'habiller, et qui proposent d'eux-mêmes la promotion de la pureté des mœurs et la modestie de l'habillement. (...) VIII. Les femmes qui s'habillent sans pudeur ne doivent pas être admises dans les associations pieuses pour femmes ; si des membres de ces associations sont trouvés en faute à cet égard, elles doivent être réprimandées, et si elles ne se repentent pas, elles doivent en être exclues ».
Comme nous pouvons le voir, le Saint-Siège lui-même estime que les statuts des associations doivent faire face à la mode, etc., à tel point que craignant qu'ils ne le feraient pas, il a publié un règlement vraiment complémentaire dans l’article VII précité. Comment, donc, pouvons-nous espérer que ces décisions puissent être efficaces sans des règles concrètes et strictes, qui fournissent aux directeurs d'association une règle de conduite uniforme et un moyen d'action évidemment impartial pour chaque cas qui se présente ? En effet, y aurait-il une autre solution pour aider un directeur plus efficacement qu’avec une règle impersonnelle qu’il peut appliquer de manière impartiale à tous les problèmes qui se présentent?
Une curieuse contradiction Nous ne voulons pas conclure ce point sans faire encore une observation. Grâce à une curieuse coïncidence, ceux parmi nous qui défendent avec la plus grande exaltation la doctrine de l'incorporation de l'Action Catholique à la hiérarchie, sont souvent les mêmes qui se battent durement contre l'adoption par l'Action Catholique des règles sur la mode imposées dans certaines pieuses unions. Or, la réalité devrait être tout autre. En effet, plus hautes sont les fonctions, plus graves sont les obligations. Ce serait une profanation du mandat reçu que de maintenir qu’il pourrait aboutir à n’importe quoi sauf à un retrait encore plus grand et plus radical du mal et à une pratique plus parfaite du bien. Mais s'il y a une contradiction, elle est explicable : les deux attitudes ont en commun un désir de diminuer toute autorité et toute retenue.
a) Sur les sanctions applicables aux membres coupables Puisque nous traitons de ces questions épineuses, n’évitons pas le pénible devoir de montrer à quelle extrémité de cohérence dans l'erreur quelques passions peuvent conduire. Nous avons déjà vu l’affirmation de la doctrine étrange qu’il n'est pas approprié pour l'Action Catholique d'exclure ou de suspendre ses membres coupables, ou de leur appliquer une peine quelconque. Dans le document ci-dessus nous avons constaté comment la Sacrée Congrégation du Concile imposa aux associations religieuses l'obligation d'appliquer ces peines, et cette Congrégation le fait dans des termes tels qu’en aucun cas l'Action Catholique ne pourrait se soustraire à cette obligation ; et par conséquent, la Sacrée Congrégation du Concile a indirectement condamné l'affirmation que nous réfutons. Pourtant, à cet argument d'autorité, qui en soi devrait suffire, il n'est pas superflu d'en ajouter d'autres. Le rejet de la punition découle directement d'un déni de la légitimité ou de l'opportunité de l'existence de règles et de règlements pour les associations religieuses et pour l'Action Catholique. Ayant prouvé la légitimité de ces règles, les conséquences résultant de la thèse contraire s'effondrent d'elles-mêmes. Bornons-nous donc à ajouter à ce qui a été dit quelques notions de simple bon sens, étayéespar des passages de l'Écriture. Dans ce sens, le recours à des arguments immédiatement accessibles au solide bon sens est le seul moyen de contrer cette erreur comme aussi bien d'autres réfutées dans ce livre. En effet, ces erreurs s'attaquent à tant de points de la doctrine catholique et se heurtent à tant d'égards à saint Thomas d'Aquin, qu'une réfutation en profondeur exigerait d'écrire un traité contre chacune d'elles.
La douceur et la persuasion par-dessus tout Évidemment, puisque l'apostolat de l'Église consiste essentiellement en une action qui vise en même temps prêcher une doctrine et éduquer les volontés dans la pratique de cette doctrine, tout apôtre, qu'il soit évêque, prêtre ou laïc, doit préférer avant tout le processus qui conduit chez les personnes à un complet éclairage de leur intelligence et une adhésion spontanée et profonde de leur volonté. C’est la fin à laquelle tous les efforts d'une personne dédiée à l'apostolat doivent mener. Pour parvenir à la plus grande perfection dans l'utilisation de toutes les méthodes capables d'atteindre un objectif si souhaitable, le zèle des apôtres devrait leur montrer comment multiplier les astuces de leur industrie ; et leur patience doit faire s'étendre amplement, l'action de leur charité et de leur bonté envers tous ceux avec qui ils font de l'apostolat. Pour cette raison, nous estimons hautement condamnable que certains apôtres laïcs fassent des mesures punitives ou coercitives leur unique moyen d'éducation. On ne voit jamais chez eux de grave et persistant effort pour expliquer, clarifier ou préciser certaines vérités afin de consolider les convictions profondes et structurer des principes vigoureux. On ne voit jamais en eux d'effort visant à résoudre par une action personnelle tout faite de douceur et de charité, les problèmes moraux qui surgissent parfois de manière dramatique dans les âmes rebelles à l'action de l'apôtre. « Une punition, et c’est fini », voilà la pédagogie simpliste à laquelle un grand nombre d'apôtres et d’éducateurs se sont réduits. Aucun argument n'est nécessaire pour prouver aux âmes de bon sens dans quelle mesure ces pratiques sont éloignées de la pensée de l'Eglise et du régime moral établi avec la loi de la grâce dans l'atmosphère très douce de la Nouvelle Alliance. Nous ne saurions jamais serrer les rangs autour de ces sombres processus d’éducation, qui sont plus appropriés au jansénisme qu’au catholicisme. Cette erreur taciturne n'a rien de commun avec les doctrines que nous réfutons, qui pèchent précisément par l'extrême opposé. Nous avons voulu, cependant, déclarer explicitement notre condamnation formelle, catégorique et ferme d'une certaine pédagogie et de certaines méthodes d'apostolat constituées exclusivement de truculence, de sorte qu'il ne pourrait jamais été supposé que, puisque nous condamnons l'extrême opposé, nous ne préconisons en aucune façon que ce soit, directement ou indirectement, explicitement ou implicitement, la cause de cette pédagogie sombre, qui a laissé des adeptes parmi nous, mais dont le temps, sans aucun doute, est déjà révolu. En réalité, cependant, et précisément parce que les temps sombres de cette pédagogie sont passés, le mal qui est aujourd'hui plus en vogue, plus pressé et plus destructif dans tous les milieux où l’on fait l'apostolat des laïcs, se trouve à l'extrême opposé. Les nouvelles doctrines relatives à l'Action Catholique sont venues renforcer encore plus les exagérations fortement accentuées qu'on pouvait déjà apercevoir dans cette perspective.
Punir est-il un manque de charité ? Même avant la fondation de l'Action Catholique, on apercevait en général parmi nous, concernant ce sujet, l'idée que les règles et les statuts des associations religieuses doivent mentionner les punitions, telles que, par exemple, les suspensions, les licenciements, etc., beaucoup plus pour intimider que pour mettre en pratique de vigoureuses actions disciplinaires. La grande et essentielle raison donnée était que les peines font souffrir, et il n'est pas propre à la religion catholique, si profondément pénétrée par la suavité et la douceur, de causer souffrance à quiconque ; et d'ailleurs, les châtiments ne présentent aucune utilité concrète, car ils irritent l’infracteur contre l'Eglise, et quand la punition consiste dans le licenciement, ils le jettent dans l'océan de la perdition, sans aucune avantage pour lui. Les nouvelles erreurs à l'égard de l'Action Catholique y ont ajouté encore quelques raisons de plus. L’Action Catholique ne devrait pas énumérer les peines dans ses règles, pour ne pas froisser les personnes intéressées à s'inscrire, et parce qu’il est humiliant et contraire à la dignité humaine que l'homme soit conduit par la peur plutôt que par l'amour. Si l'Action Catholique est dotée de méthodes d'apostolat irrésistibles - et ceci au sens le plus strict et littéral du mot - pourquoi faire usage de punitions qui seront toujours inutiles ? Les conséquences de ces erreurs sont de plus en plus remarquées dans nos cercles, et il est donc impératif de les éliminer au plus vite. Il fut un temps où le simple port de l'insigne de boutonnière de certaines associations religieuses était la garantie d'une piété ardente et vigoureuse, d'une formation très solide et d'une sécurité absolue. Qui oserait dire la même chose aujourd'hui ? Le nombre de membres s'est considérablement accru, mais leur formation n'a pas augmenté proportionnellement. Les élites ont été noyées et diluées dans le pêle-mêle des âmes triviales sans aucune intensification de la quête de la perfection et de l'héroïsme. Le mauvais exemple, la constitution d'un environnement hostile à toute incitation à la vertu totale, tout cela est devenu de plus en plus fréquent. Et, malheureusement, dans beaucoup de confréries aujourd’hui, des « oves, boves ... et serpentes » (moutons, bœufs ... et serpents) vivent côte à côte dans la même paix. Et tout cela, pourquoi ? Tout simplement parce qu’une fausse sentimentalité religieuse a souvent désarmé les responsables laïcs qui, sous les ordres de l'autorité ecclésiastique, devaient agir pour éviter que « Jérusalem ne se transforme en une cabane pour stocker des fruits ».
Le vrai panorama Afin que nous puissions bien comprendre la nécessité d'avoir des peines énumérées dans les statuts particuliers de chaque branche de l'Action Catholique, ainsi que la nécessité que ces peines soient appliquées dans la pratique, nous devons, par-dessus tout, nous convaincre profondément qu'il n'y a pas des méthodes d'apostolat irrésistibles. Notre Seigneur Jésus-Christ, le divin modèle d'apôtre, a rencontré la résistance la plus cruelle face à sa propre Personne; et c’était après avoir entendu pendant une longue période ses instructions adorables et contemplé ses exemples infiniment parfaits, qu’un malfaiteur s’avança, avec un cœur de glace et une âme noire ; non pas un criminel de droit commun, mais justement le pire malfaiteur de toute l'histoire jusqu'à ce que l'Anti-Christ apparaisse. Nous développerons cette thèse plus profondément dans un autre chapitre. Pour l'instant, il suffit de rappeler que nous trouverons tous des âmes endurcies par l’erreur et par le péché, qui se montrent opposées à toute action apostolique. Si nous n'avions jamais trouvé de telles âmes, si nous pouvions avoir la certitude que nos efforts seraient toujours et invariablement réussis, il est évident que toute personne qui congédierait un membre indigne d’une confrérie religieuse, et surtout de l'Action Catholique, agirait très mal. Mais la réalité, malheureusement, est très différente. À moins que nous ne soyons remplis d'un orgueil raffiné, nous ne pouvons pas attendre pour nous-mêmes une réussite que Notre Seigneur lui-même n'a pas obtenue. Par conséquent, la scène que nous avons devant nous est la suivante : dans une association ou dans l'Action Catholique, il n'est pas surprenant que de temps en temps apparaisse un transfuge, mais l’infracteur de la règle, au lieu de quitter l'association, y demeure avec la mauvaise doctrine et la mauvaise vie qu’il a embrassées. Ayant épuisé tous les moyens de persuasion pour reconduire l'âme rebelle vers le bon chemin, on se demande : que faire ?
L'impunité systématique est un manque de charité a) envers la société La même situation existe, de façon permanente, dans la société temporelle et, en fait, personne ne songe à suggérer que, au nom de la charité chrétienne, les prisons soient ouvertes et le code pénal déchiré. Dieu merci, l'heure du romantisme où les antipathies du public étaient généralement dirigées contre la police, le procureur et le juge, alors que leur sympathie était tournée complètement vers le criminel, a disparu. Cet état d'esprit a produit des effets lamentables, et on lui doit, en bonne mesure, l'anarchie généralisée qui provoque tant d'inquiétude en notre époque. Nous ne savons pas pourquoi les vestiges de cette mentalité erronée, frivole, sentimentale et clairement anticatholique, bannie aujourd'hui de l'esprit de tout droit civil, sont venus se nicher précisément dans certains milieux catholiques, et en même temps produire comme conséquence le maintien au sein de nos organisations d'une ambiance indolente et de méthodes typiquement libérales, proscrites aujourd'hui dans toutes les nations, y compris les plus démocratiques, et dans tous les organismes privés bien structurés. Pourquoi l’erreur a-t-elle cherché refuge précisément dans certains milieux où on combat pour la vérité ? Les mêmes raisons qui nous amènent à considérer comme répréhensible, absurde et anarchique, l'absence, dans les sociétés laïques, de peines efficaces et capables d'induire la peur, devraient nous amener à reconnaître qu'elles sont aussi indispensables pour les confréries religieuses. Néanmoins, cela n'est pas ce qui est cru ou pratiqué dans certains secteurs de notre laïcat. D'autre part, nous devons nous sentir encouragés par l'exemple décisif de la sainte Église, qui, dans son Code de Droit canonique, décrète, définit et établit les peines les plus sévères, comme elle le fait au moment d'approuver les statuts, règles ou constitutions des différentes congrégations ou ordres religieuses. Si cela est jugé nécessaire pour le clergé et les religieux, que dire des associations laïques ! Saint Thomas d’Aquin illustre magnifiquement la nécessité des punitions. Dans le texte que nous avons cité sur la nécessité des lois, le grand Docteur manifeste implicitement son opinion sur la nécessité de la peine en disant que l'un des supports de la loi, c'est la perspective de la peine due pour son non-respect. Franchement, nous nous sentons gênés d'avoir à démontrer une chose aussi évidente. Bien sûr, si l'on ne prend en considération que l'intérêt de la personne à laquelle la peine est destinée, il serait parfois préférable de différer le châtiment indéfiniment. Il est des âmes qui se détournent du bien encore plus sous l'action de la sanction. Il est donc certain que la peine doit être appliquée avec beaucoup de discernement, en évitant les excès, tant de ne jamais pardonner que de ne jamais punir. En cette matière, il est nécessaire, avant tout, de prendre en compte le fait que toute transgression disciplinaire est avant tout un attentat contre les buts de l'association et, d'autre part, une violation des droits de la collectivité. Lorsque deux valeurs d’une nature si élevée sont en jeu, même quelques intérêts individuels légitimes doivent être sacrifiés. Si l'administration du châtiment durcit quelques âmes, elles souffrent néanmoins une juste punition qui ne devrait en aucun cas désarmer la défense des droits de la collectivité. Le Saint-Esprit décrit admirablement la conduite des âmes perverses qui méprisent les justes châtiments qu'elles méritent, et il le fit d'une manière qui indique clairement que le durcissement est une conséquence devant laquelle le juge ne doit pas reculer de façon systématique. Ainsi, dit-Il : «L'indigence et la honte sont le partage de celui qui abandonne la discipline » (Pr 13,18). Et il ajoute : « L'oreille qui écoute les réprimandes salutaires demeurera au milieu des sages. Celui qui rejette la correction méprise son âme ; mais celui qui se rend aux réprimandes possède son cœur. La crainte du Seigneur enseigne la sagesse, et l'humilité précède la gloire » (Pr 15,31-33). Il est naturel que « L'homme corrompu n'aime point celui qui le reprend » (Pr 15,12). De ce fait, « Heureux l'homme qui est toujours dans la crainte ; mais celui qui a le cœur dur tombera dans le mal » (Pr 28,14). Celui-ci ne peut se plaindre légitimement de la peine qu'il mérite, car « Le fouet est pour le cheval, et le mors pour l'âne, et la verge pour le dos des insensés » (Pr 26,3). D'ailleurs, quel avantage une association religieuse pourrait-elle tirer du maintien de ces membres en son sein ? De quelle manière peuvent-ils lui être utiles ? Le Saint-Esprit dit : «L'homme apostat est un homme inutile, il s'avance avec une bouche perverse » (Pr 6,12). Et il ajoute : « il trame le mal dans son cœur méchant, et en tout temps il sème des querelles » (Pr 6,14). Son apostolat est stérile : « il n'y a que trouble dans les fruits de l'impie » (Pr 15,6). D'autre part, il est utile de mentionner, comme nous l'avons déjà fait, qu'il y a des âmes opposées à l'apostolat en raison de la méchanceté profonde dans laquelle elles se trouvent, comme dit la Sagesse : « Aussi la sagesse n'entrera-t-elle pas dans une âme maligne, et elle n'habitera pas dans un corps assujetti au péché. Car le saint Esprit de sagesse fuit le déguisement, et s'éloigne des pensées qui sont sans intelligence, et l'iniquité survenant le bannit » (1,4-5). En ce qui concerne ces âmes malveillantes, la Sagesse dit encore : « Mais les méchants ont appelé la mort par leurs œuvres et par leurs paroles, et, la croyant amie, ils en ont été consumés, et ils ont fait alliance avec elle, parce qu'ils étaient dignes d'une telle société » (1,16). L’Ecriture dit de ces âmes : « Le cœur de l'insensé est comme un vase rompu ; il ne peut rien retenir de la sagesse » (Eccl 21,17). Et aussi : «La sagesse est pour l'insensé comme une maison ruinée, et la science du sot n'est que paroles mal digérées » (Eccl 21,21). Quel est le but de retenir des âmes de cet acabit à n'importe quel prix, avec un risque pour le bien, un scandale général et un danger pour la discipline ? « Celui qui instruit l'insensé est comme celui qui recolle un pot cassé. Celui qui parle de la sagesse à un insensé entretient un homme endormi ; et à la fin du discours ce dernier dira : Qui est celui-ci ? » (Eccl 22,7-9). « Ne donnez pas la chose sainte aux chiens, et ne jetez point vos perles aux pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds, et que, se retournant, ils ne vous déchirent » (Mt 7,6). Cette invulnérabilité à l'action apostolique est parfois une punition de Dieu, et en maintenant un tel membre en son sein, l'Action Catholique a en elle une racine de péché que seul un grand et rare miracle de la grâce peut ramener à la bonne volonté. Parfois, cette cécité est l'action du diable. L’Ecriture se réfère plusieurs fois à cet aveuglement : « Si notre Evangile est encore voilé, c'est pour ceux qui périssent qu'il est voilé, pour les infidèles dont le Dieu de ce siècle a aveuglé les esprits, afin que ne brille pas pour eux la lumière du glorieux Evangile du Christ, qui est l'image de Dieu » (2 Cor 4,3-4).
b) Pour ceux qui méritent la punition Le mal éventuel que les châtiments peuvent causer à certaines âmes n’est parfois rien de plus qu’un châtiment juste et mérité, dont l'imminence ne doit pas porter atteinte à la défense de droits plus élevés comme ceux de l'Eglise et des autres membres de l'association. D'autre part, la punition est aussi un remède salutaire pour le coupable lui-même. Ainsi, l’épargner de la peine serait priver le mécréant de l’accès au seul moyen qui pourrait encore le conduire à l'amendement. Donc c'est un véritable manque de charité que de réduire les articles pénaux des statuts à l'inefficacité presque complète. Le fils prodigue ne revint à la maison de son père qu’après avoir été sévèrement puni par les conséquences de son action. En général, la Divine Providence ramène à la bonne voie, au moyen de la pénitence et de la punition, les plus grands pécheurs. Cela est vrai à un tel point que nous pouvons à juste titre voir les plus grands malheurs comme les grâces les plus précieuses que Dieu accorde au pécheur. Même les âmes justes ne progressent qu’au prix d'une purification spirituelle - parfois effrayante - de leurs défauts. L'âme pieuse qui appela la souffrance le huitième sacrement a été tout-à-fait correcte à cet égard. Ainsi, lorsque nous érigeons en règle générale la perpétuelle mise en non-application de la peine, nous devrions nous demander si nous ne sommes pas en train de voler aux âmes coupables un moyen précieux d'amendement. La réponse ne peut qu'être affirmative. «Celui qui épargne la verge hait son fils », dit l’Ecriture (Pr 13,24). Un président de confrérie qui, de façon systématique et sans discernement, refuse d'appliquer les peines méritées par ses dirigés, les hait. Nous rappelons un certain président qui a déploré la décadence générale de son association. Les règles n’étaient plus observées, la fréquentation était en baisse et l'attitude générale, donnait chaque jour de nouveaux signes de torpeur. « Je reconnais », nous disait-il, « que certaines expulsions seraient le remède au mal, mais - et il tourna les yeux obliquement vers le ciel, en souriant avec une satisfaction visible - je suis trop bon pour cela ». Trop bon ? Celui qui, par paresse, est le témoin passif de l'effondrement d'une initiative dont le salut de tant d'âmes dépend, est-il trop bon ? Sans aucune hésitation, je dis que cette personne a fait plus de mal à l'Eglise que toutes les sectes spirites, églises protestantes et ainsi de suite, fonctionnant dans ce même lieu. En fait, l'effet de la sanction sur le délinquant est si précieux que « Celui qui épargne la verge hait son fils » comme le dit l’Ecriture (Pr 13,24). Si l'Action Catholique épargne ses membres des punitions qui leur sont vraiment indispensables, elle les hait. Au contraire, « celui qui l’aime le corrige sans cesse » (Pr 14,24). Pourquoi ? « La folie est liée au cœur de l'enfant, et la verge de la discipline l'en chassera » (Pr 22,15). D'un enfant ... et de tant d'adultes ! Il y a des âmes qui ont besoin de punition, afin qu'elles ne se damnent pas éternellement : « N'épargne pas la correction à l'enfant ; car si tu le frappes avec la verge, il ne mourra point. Tu le frapperas avec la verge, et tu délivreras son âme de l'enfer » (Pr 23,13-14). Alors, cela revient à dire : « si vous ne le battez pas avec la verge, vous exposerez son âme au diable ». Combien a raison le Saint-Esprit, par conséquent, quand il dit : «Une réprimande ouverte vaut mieux qu'un amour caché. Les blessures faites par celui qui aime valent mieux que les baisers trompeurs de celui qui hait » (Pr 27,5-6). Donc, nous ne devons pas craindre d'échouer dans la charité lorsque nous faisons l'utilisation résolue et effective de la peine. En effet, nous avons comme modèle Dieu lui-même, qui «Rempli de compassion, enseigne et châtie, comme un pasteur fait pour son troupeau » (Eccli 18,13). Il serait ridicule de prétendre argumenter dans le sens opposé, en utilisant les très belles paroles de l'Ecclésiastique (7,19) : « Il est bon que tu soutiennes le juste ; mais ne retire pas ta main de celui qui ne l'est point, car celui qui craint Dieu ne néglige rien ». En effet, « retire ta main » signifie « n’aide pas », et si, comme nous venons de le voir, la peine est une aide authentique, celui qui ne punit pas alors que c'est nécessaire « retire sa main » du pécheur et le néglige. D'autres feront valoir que les rigueurs de l'Ancien Testament ont été abrogées par la loi de la grâce ? Sottise ! Écoutons Saint Paul : « Vous avez oublié l'exhortation qui vous est adressée comme à des fils, en ces termes : Mon fils, ne néglige pas le châtiment du Seigneur, et ne te laisse pas abattre lorsqu'Il te reprend, car le Seigneur châtie celui qu'Il aime, et Il frappe de verges tout fils qu'Il reconnaît comme Sien. Ne vous découragez pas dans le châtiment. Dieu vous traite comme des fils ; car quel est le fils que son père ne châtie point ? Et si vous êtes exempts du châtiment, auquel tous les autres ont part, c'est que vous êtes illégitimes, et non de vrais fils. Et puis, si nos pères selon la chair nous ont châtiés et si nous les avons respectés, ne devons-nous pas à plus forte raison être soumis au Père des esprits, pour avoir la vie ? Car ceux-là nous châtiaient pour peu de jours, comme il leur plaisait ; Lui, Il le fait pour notre bien, afin que nous participions à Sa sainteté. Tout châtiment, il est vrai, ne paraît pas être au premier moment un sujet de joie, mais de tristesse ; toutefois, il produit ensuite un fruit paisible de justice pour ceux qui ont été ainsi exercés » (He 12 :4-11). Beaucoup a été dit au sujet de l'égoïsme des enseignants qui, parce qu'ils ne veulent pas contenir leur mauvaise humeur, punissent leurs élèves de façon excessive. Le jour du Jugement dernier, nous verrons que le nombre d'âmes qui ont été perdues parce que les enseignants égoïstes ne voulaient pas avoir le désagrément de punir un élève, est beaucoup plus grand que l'on ne pense habituellement. Il est important d'ajouter que la peine est souvent le seul moyen de faire réparation aux principes qu’on a offensés ainsi qu'à l’autorité contestée. Y renoncer signifie introduire dans la confrérie une atmosphère d'indifférentisme doctrinal ou laxisme, avec des conséquences très néfastes.
c) Envers ceux qui sont en danger Il est également nécessaire de noter que les châtiments offrent le grand avantage d'éloigner, par la peur, les membres hésitants, de la séduction du mal qui les sollicite. Le Saint-Esprit dit : « Ceux qui pèchent, reprends-les devant tous, afin que les autres aussi aient de la crainte » (1 Tm 5,20). Et c'est parce que «Si l'on châtie l'homme contagieux, le simple deviendra plus sage » (Pr 21,11). En effet, le pressentiment de la peine est toujours très utile : «c'est par la crainte du Seigneur que tout homme se détourne du mal » (Pr 15,27), et les punitions par l'Action Catholique ou les associations auxiliaires sont d'excellents moyens pour que leurs membres indisciplinés puissent voir qu'ils se trompent lorsqu'ils pensent qu'ils plaisent encore au Seigneur. En effet, « La crainte du Seigneur est une source de vie, pour faire éviter la ruine de la mort » (Pr 14,27). Ainsi, quand nous épargnons le châtiment aux méchants qui le méritent, nous exposons injustement au risque la persévérance des tièdes, ceux qui hésitent et qui doutent, c’est-à-dire, le roseau froissé et la mèche qui fume encore, dont le Seigneur ne veut qu'ils soient complètement cassés ou éteints, mais qu'ils retrouvent une nouvelle vigueur et persévèrent. « Car parce qu'une sentence n'est pas immédiatement prononcée contre les méchants, les fils des hommes commettent le crime sans aucune crainte » (Eccli 8,11).
d) Envers les bons Enfin, on manque à la charité d'une autre manière si l'on garde au cœur de l'Action Catholique ou des associations auxiliaires une atmosphère d'impunité perpétuelle. Maintenir de mauvais membres au sein d'une association, c’est les transformer, de moyen de sanctification qu'ils étaient, en un moyen de perdition, en exposant à des dangers spirituels ceux qui se sont réfugiés à l'ombre de l'association précisément pour les fuir. Le Saint-Esprit fait un avertissement sévère à cet égard : « Celui qui touche de la poix en sera souillé, et celui qui se joint au superbe deviendra superbe » (Ecclus. 13 :1). Le danger des mauvaises amitiés est toujours grand : « L'homme inique séduit son ami, et il le conduit par une voie qui n'est pas bonne » (Pr 16,29). Et à cause de cela, l’Écriture nous avertit « Il en est de même de celui qui s'unit avec le méchant, et qui se trouve enveloppé dans ses péchés » (Eccl 12,14-15). Or, c'est précisément cette dangereuse société des insensés qui, sous le prétexte de charité, serait imposée à tous les membres de l'Action Catholique ! L'observation de saint Paul qu’« Un peu de levain aigrit toute la pâte » (Gal 5,9) est ainsi oubliée. Veillons à ce « qu'aucune racine d'amertume, poussant des rejetons, n'empêche la bonne semence, et que beaucoup n'en soient souillés » et que tout cela reste loin des parterres de fleurs les plus fertiles de l'Eglise. Agir autrement serait pécher contre la charité. D'ailleurs, la prudence la plus élémentaire devrait nous conduire à une conséquence identique. Combien de crises internes, combien de troubles, combien de division des âmes, serait-il possible parfois d'empêcher, si un coup astucieux permettait de libérer les milieux de certaines personnes qui auraient déjà dû les quitter spontanément, des personnes dont l'Ecriture dit : «L'homme apostat est un homme inutile, il s'avance avec une bouche perverse » (Pr 6,12). « Il trame le mal dans son cœur méchant, et en tout temps il sème des querelles » (Pr 6,14). En outre, ces dissonances sont souvent provoquées par le contact entre mentalités différentes, l'une, orthodoxe, droite, amie de la Vérité et du Bien, et l’autre, hétérodoxe, sournoisement de mèche avec toutes les erreurs, et disposée à priori à accepter toute complaisance, retraite et compromis avec le mal. Comment peut-on éviter un affrontement dans ce cas ? En effet, la présence de ces personnes devrait déranger ceux qui sont sains et qu'elles menacent de corrompre : « La crainte du Seigneur hait le mal » et « déteste l'insolence, et l'orgueil, et la voie mauvaise, et la langue double » (Pr 8,13). « Comme le loup n'a jamais de commerce avec l'agneau, ainsi le pécheur n'en a point avec le juste » (Eccl 13,21). Dans de tels cas, tout effort vers la concorde sera vain : il finira, inévitablement, dans la défaite des représentants de la bonne mentalité, si la confrérie n'est pas délivrée de l'influence des méchants.
La peine ne prive pas l'Action Catholique des auxiliaires utiles En outre, quel avantage l'Action Catholique pourrait-elle attendre de la coopération de tels membres à ses travaux ? Ils lui rendront toujours les services d'une instruction doctrinale inconsistante ou d’un apostolat incomplet : « De même que le boiteux a en vain de belles jambes, ainsi la sentence grave est choquante dans la bouche de l'insensé » (Pr 26,7). Il sera inutile d'objecter que, si des éléments étrangers à l'Action Catholique voient qu'elle est organisée avec une grande discipline, ils prendront peur et n’iront pas y adhérer. Si la rigueur de la loi n’effraye même pas ceux qui ont un simple « initium sapientiae », que dire de ceux qui ont la sagesse ? Pour cette raison, saint Benoît, législateur profond et peut-être inspiré, pensa à rendre attractive la règle monastique qu’il composa en inscrivant sur sa première page cette invitation : « Venez, mes fils, écoutez-moi et je vous enseignerai la crainte du Seigneur ». Il est, par conséquent, plus approprié de craindre un manque d'énergie : « Celui qui justifie l'injuste, et celui qui condamne le juste, sont tous deux abominables devant Dieu » (Pr 17,15). Et, certes, « Il n'est pas bon d'avoir égard à la personne de l'impie, pour se détourner de la vérité du jugement » (Pr 18,5). Combien était juste saint Ignace, lorsqu’il dit que le jour de l'entrée... tout aussi comme celui de l'expulsion d'un membre de la Compagnie de Jésus étaient, pour lui, tous les deux, des jours de joie.
Ni ne fait-elle aucun mal au milieu de l'Action Catholique On pourrait argumenter que la peur du châtiment pourrait remplir n'importe quel milieu avec des ombres, que nos déclarations sont de nature à créer une atmosphère de crainte et de peur, d’anxiété mélancolique et inquiète, singulièrement en décalage avec la jovialité, l'enthousiasme, la confiance et l’esprit d'initiative qui devraient prévaloir dans l'Action Catholique. Nous ne partageons pas cette opinion. La sainte crainte est la porte par laquelle il faut passer pour arriver à la sagesse (cf. Pr 1,17). Voici la magnifique récompense promise à ceux qui traversent ce grave seuil : « Si la sagesse entre dans ton cœur, et que la science plaise à ton âme, le conseil te gardera, et la prudence te conservera, pour que tu sois délivré de la voie mauvaise, et de l'homme qui tient des discours pervers ; de ceux qui abandonnent le droit chemin, et qui marchent par des voies ténébreuses ; qui se réjouissent lorsqu'ils ont fait le mal, et qui mettent leurs délices dans les choses les plus criminelles ; leurs voies sont perverses, et leurs démarches infâmes » (Pr 2,10-15). L’Ecclésiastique a parfaitement raison lorsqu’il dit que « La crainte du Seigneur est une gloire, et un sujet de se glorifier, et une joie, et une couronne d'allégresse. La crainte du Seigneur réjouira le cœur ; elle donnera la joie, et l'allégresse, et la longueur des jours » (1,11-12) « La crainte du Seigneur est la piété de la science. Cette piété garde et justifie le cœur ; elle donne le bonheur et la joie. Celui qui craint le Seigneur sera heureux, et il sera béni au jour de sa fin. La crainte de Dieu est la plénitude de la sagesse » (1,17-20). « La crainte du Seigneur est la couronne de la sagesse ; elle donne la plénitude de la paix et les fruits du salut » (1 :22). « Combien est grand celui qui a trouvé la sagesse et la science ! Mais rien ne surpasse celui qui craint le Seigneur. La crainte de Dieu s'élève au-dessus de tout. Heureux l'homme qui a reçu le don de la crainte de Dieu : à qui comparera-t-on celui qui la possède ? La crainte de Dieu est le principe de son amour, et on y doit joindre inséparablement un commencement de foi » (Eccli 25,13-16). « La crainte du Seigneur lui est comme un paradis de bénédiction, et on le couvre d'une gloire qui dépasse toute gloire » (Eccli 40,28). On comprend parfaitement, dès lors, pourquoi saint Paul écrit : «Ayez soin, non seulement en ma présence, mais beaucoup plus maintenant en mon absence, d'opérer votre salut avec crainte et tremblement » (Phil 2,12). Et pourquoi, dans l'épître aux Hébreux (10,31), il dit « C'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant », mettant ainsi l'accent sur la sainte crainte qui devrait constamment nous animer. L'Apôtre a insisté plus d'une fois sur cette pensée : «Ainsi donc, puisque nous avons reçu un royaume inébranlable, conservons la grâce, et par elle rendons à Dieu un culte qui Lui soit agréable, avec crainte et avec respect. En effet, notre Dieu est un feu dévorant » (He 12,28 -29). Dans sa lettre aux Romains, il développe la même pensée, se référant en même temps à l'amour de Dieu et à sa sévérité : « Car si Dieu n'a pas épargné les branches naturelles, Il ne t'épargnera peut-être pas non plus. Vois donc la bonté et la sévérité de Dieu : Sa sévérité envers ceux qui sont tombés ; envers toi la bonté de Dieu, si tu demeures ferme dans cette bonté ; autrement tu seras retranché, toi aussi » (11,21-22). Aussi, dans l'Apocalypse, nous trouvons la répétition de ce que le Saint-Esprit a dit dans l'Ancien Testament : « Qui ne Vous craindra, Seigneur, et qui ne glorifiera Votre nom ? » (Ap 15,4). La satisfaction avec laquelle saint Paul loue les Corinthiens pour « leur zèle à punir » les offenses faites à l'Église, est visible (2,7 :8-11) car il a reconnu les avantages évidents pour l'église de Corinthe de cette manière de faire. Toujours dans la seconde épître aux Corinthiens, saint Paul montre comment il jugeait nécessaire d'agir sévèrement : « Voici la troisième fois que je viens à vous ; tout sera décidé sur la déclaration de deux ou trois témoins. J'ai déjà dit, et je dis encore d'avance, comme si j'étais présent, quoique je sois maintenant absent, à ceux qui ont péché précédemment et à tous les autres, que si je viens de nouveau, je serai sans pitié. Est-ce que vous voulez mettre à l'épreuve le Christ qui parle par moi, qui n'est pas faible à votre égard, mais qui est puissant parmi vous ? » (13,1-3). Saint Paul dit des princes : «Le prince est le ministre de Dieu, pour ton bien.Mais si tu fais le mal, crains ; car ce n'est pas en vain qu'il porte l'épée.En effet, il est le ministre de Dieu pour Le venger, en montrant Sa colère à celui qui fait le mal » (Rm 13,4). Or, dans ce cas, ce qui est dit si adroitement du pouvoir temporel peut aussi être compris s'agissant du pouvoir spirituel et même ses agents les moins représentatifs, tels que les présidents des confréries religieuses. Et avec quelle ardeur Saint Paul accomplit cette fonction vengeresse de la puissance spirituelle ! Écoutons-le s'adressant aux Corinthiens : « Quelques-uns se sont enflés d'orgueil, comme si je ne devais pas aller chez vous. Mais j'irai bientôt chez vous, si le Seigneur le veut, et je connaîtrai, non quelles sont les paroles de ceux qui se sont enflés, mais quelle est leur puissance. Car le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en puissance. Que voulez-vous ? Que j'aille à vous avec la verge, ou avec charité et dans un esprit de douceur ? » (I Cor 4,18-21). Et encore : « On entend dire partout qu'il y a de l'impudicité parmi vous, et une impudicité telle qu'il n'en existe pas même chez les païens, au point que l'un d'entre vous a la femme de son père. Et vous êtes enflés d'orgueil, et vous n'avez pas été plutôt dans le deuil, afin que celui qui a commis cette action fût ôté du milieu de vous ! Pour moi, absent de corps, mais présent d'esprit, j'ai déjà jugé comme si j'étais présent celui qui a fait un tel acte. Au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, vous et mon esprit étant assemblés, par la puissance de Notre Seigneur Jésus, qu'un tel homme soit livré à Satan, pour la destruction de la chair, afin que l'esprit soit sauvé au jour de Notre Seigneur Jésus-Christ » (I Cor 5,1-6). « Je vous ai écrit dans ma lettre : Ne vous mêlez pas avec les impudiques ; ce que je n'entendais pas des impudiques de ce monde, non plus que des avares, ou des rapaces, ou des idolâtres ; autrement vous auriez dû sortir de ce monde. Mais je vous ai écrit de ne pas avoir de relations avec celui qui, portant le nom de frère, est impudique, ou avare, ou idolâtre, ou médisant, ou ivrogne, ou rapace ; de ne pas même prendre de nourriture avec un tel homme. En effet, qu'ai-je à juger ceux du dehors ?N'est-ce pas ceux du dedans que vous jugez ? » (I Cor 5,9-13). On pourrait encore citer un encore plus grand nombre de passages de saint Paul. Retenons-en seulement quelques-uns : « Au reste, mes frères, priez pour nous, afin que la parole de Dieu ait un libre cours et soit glorifiée, comme elle l'est chez vous, et afin que nous soyons délivrés des hommes importuns et méchants ; car tous n'ont pas la foi » (2 Thess 3,1-2). Et dans la même épître, l'Apôtre ajoute : « Pour vous, frères, ne vous lassez point de faire le bien. Et si quelqu'un n'obéit pas à ce que nous ordonnons par cette lettre, notez-le, et n'ayez point de commerce avec lui, afin qu'il en ait de la confusion. Ne le regardez cependant pas comme un ennemi, mais reprenez-le comme un frère » (2 Thess 3,13-15).
Evitons toute forme de partialité Tout en préconisant ces principes austères, nous ne voudrions pas être à sens unique. A Dieu ne plaise que nous oublions la douceur évangélique ! Le Saint-Esprit Lui-même fixe des limites à l'action de la justice, lorsqu'il met en garde dans l'Ancien Testament : « Corrige ton fils, et n'en désespère pas ; mais ne prends pas de résolution qui aille à sa mort » (Pr 19,18). Mais si nous ne voulons pas oublier les limites en dehors desquelles la justice serait odieuse, de même qu'à Dieu ne plaise, nous ne devrions pas oublier les limites en dehors desquelles la tolérance ne serait pas moins odieuse. Est-ce que la perfection ne réside pas dans le respect de ces deux limites ? Quel difficile équilibre que celui entre douceur et fidélité à la loi : « Beaucoup d'hommes sont appelés miséricordieux ; mais qui trouvera un homme fidèle ? » (Pr 20,6). La sainte mère Eglise, toujours fidèle à la doctrine révélée, a consacré les mêmes principes dans sa législation. Dans cette perspective, la situation dans laquelle se trouvent les personnes « excommuniés vitando » est typique. En plus d'être privés de biens spirituels, comme toutes les personnes excommuniées, elles doivent être évités par les fidèles, même dans les affaires du monde, les conversations, les salutations, etc., à l'exception seulement, comme cela est indispensable, des employés, parents et proches parents (canon 2257). Afin de bien se rendre compte de la situation horrible dans laquelle l'Eglise met l'excommunié « vitando », il faut noter que : si un individu qui a subi cette punition entre dans une église où le saint Sacrifice de la Messe est en train d’être célébré, le célébrant devra s'arrêter jusqu'à ce que l'excommunié soit expulsé de l'endroit. Mais s’il a déjà consacré, il doit poursuivre la messe jusqu'à la seconde ablution et achever les dernières prières dans un autre endroit décent.(3) N'est-ce pas à cause de l'infidélité à la l'obligation susmentionnée de justice, si fréquente de nos jours, que l’on peut appliquer à de nombreuses associations et secteurs de l'Action Catholique cette description : « J'ai passé par le champ du paresseux, et par la vigne de l'homme insensé ; voici que les orties avaient tout rempli, et que les épines en couvraient la surface, et le mur de pierres était abattu » ? (Pr 24,30-32). Oh ! Le mur tombé qui ne défend plus le terrain contre les semis de l' « inimicus homo » ! Oh ! Les orties et les ronces qui devraient être déracinées, mais qui fleurissent suffocant le blé et les fleurs ! Si au moins on pouvait dire, comme l'Écriture le fait aussitôt après : « A cette vue, j'ai réfléchi dans mon cœur, et je me suis instruit par cet exemple » (Pr 24,32-33). Si au moins de cette façon nous pouvions comprendre que « La verge et la correction donnent la sagesse ; mais l'enfant qui est abandonné à sa volonté fait honte à sa mère » (Pr 29,15). Lorsqu'elle est confrontée à l'arrogance et à la rébellion d'un pécheur qui se vante de son péché, l'attitude naturelle et spontanée de toute âme noble et juste est une réaction énergique. L’Ecriture dit de l'homme juste que « Ma bouche publiera la vérité », en d'autres termes, il ne restera pas silencieux ou fade, mais plutôt « mes lèvres détesteront l'impie » (Pr 8,7). En effet, l'homme juste, celui qui a « la crainte du Seigneur hait le mal : Je déteste l'insolence, et l'orgueil, et la voie mauvaise, et la langue double » (Pr 8,13). De ce fait, en traitant avec les ennemis de l'Eglise, surtout ceux qui sont en son sein, sans jamais violer la charité, « l'homme sage est fort, et l'homme savant est robuste et puissant » (Pr 24,5). Au contraire, quelle impression douloureuse est causée par certaines « retraites stratégiques » des bons, retraites qui sont presque toujours moins stratégiques que l’on ne l’imagine : « Comme une fontaine troublée avec le pied et une source corrompue, ainsi est le juste qui tombe devant l'impie » (Pr 25,26). Ainsi, leurs rôles s’inversent d’une façon scandaleuse, car, selon les desseins de Dieu, « L'impie prend la fuite sans que personne ne le poursuive ; mais le juste a l'assurance du lion, et ne redoute rien » (Pr 28,1). Quel excellent apostolat on ferait si les desseins de Dieu étaient suivis ! « Quand les impies périssent, les justes se multiplient » (Pr. 28,28). Et au contraire, « Les crimes se multiplieront dans la multiplication des impies » (Pr 29,16). Ce n'est pas en vain, par conséquent, que lorsque toutes les autres ressources se sont amoureusement épuisées, le chef sage devrait « dissiper les méchants, et courber sur eux la roue » (Pr 20,26). Celui qui persiste par des actions ou des paroles à transgresser la loi de Dieu ou les règles de l'Action Catholique, au fond se moque de l'autorité. Et l'Ecriture dit : «Chasse le railleur, et la dispute sortira avec lui ; alors les plaintes et les outrages cesseront » (Pr 22,10). Concluons donc, en affirmant avec l'angélique et doux Pape saint Pie X, que celui qui échoue dans son devoir de prévenir ou de punir son voisin, loin de montrer la vraie charité, montre qu'il en possède seulement une caricature, à savoir le sentimentalisme ; parce que la transgression de cette obligation constitue une offense à Dieu et au prochain : « Quand je sais des choses sur vous qui ne plaisent pas à Dieu et sont contraires à votre intérêt, si je ne vous en avertit pas, je ne peux pas prétendre que j'ai l'amour de Dieu, ni que je vous aime comme je le devrais ». (4) L'illustre évêque Antonio Joaquim de Melo, l'un des plus grands pasteurs que le Brésil ait jamais connu, fit cette affirmation remarquable, avec la pleine autorité de son grand renom : « la miséricorde de Dieu a envoyé plus d'âmes en enfer que sa justice ». En d'autres termes, le grand prélat a déclaré que l'espoir téméraire du salut damne un plus grand nombre d'âmes que la crainte excessive de la justice de Dieu. Il est également incontestable que la bénignité excessive dans l'application de la peine, que l'on constate aujourd'hui dans de nombreuses associations religieuses, et l'absence totale de celle-ci dans certains secteurs de l'Action Catholique, a appauvri les rangs des enfants de lumière beaucoup plus que n'ont pu le faire d'éventuelles mesures inconsidérées et peut-être trop énergiques.
L'esprit des fraternités « maçonifiées » Lors d'une conversation avec une personne d'influence prépondérante et même déterminante dans certains milieux de l'Action Catholique, elle nous a dit qu'en cinq ans, elle n'avait jamais exclu personne, aussi distante qu’elle puisse être, du secteur confié à sa direction. Si quelqu'un a cessé complètement d’y participer, sa carte était transférée dans un tiroir spécial, dont il était alors facile la remettre au fichier des membres actifs une fois qu'elle réapparaissait, que ce soit après cinq, dix ou vingt ans. Et cela sans le moindre noviciat, examen ou acte de pénitence. Ce fait nous rappelle le cas très authentique d'une ancienne confrérie dans laquelle une dame pieuse inscrit une fois son fils de 9 ans, pour remplir une promesse. Après son inscription, ce jeune membre n’est jamais réapparu. Il est devenu un homme, a perdu la foi, et est aujourd'hui un homme d'âge avancé. Cette personne raconte avec hilarité évidente, comment, pendant tout ce temps, il n'a jamais cessé de recevoir des invitations à tous les événements de la confrérie. Il continuera probablement à les recevoir même après sa mort. Les lecteurs qui n'ont pas été contraints par le romantisme d'abandonner complètement leur bon sens, sauront bien comprendre comment cette manière de faire de la confrérie traîne l'Église au plus bas degré possible de discrédit. Il s'agit ici d'un curieux point de convergence, auquel viendront s'ajouter tant d'autres, montrant que sous couvert d'innovations dans l'Action Catholique, l’intention réelle est de rétablir, dans tout leur esprit, les erreurs des fraternités « maçonifiées » de l’époque de Mgr Vital. Nous ne nions pas que cette invitation insistante aurait pu fait du bien à l’âme ainsi appelée. Mais est-il la peine de nuire au prestige de l'Eglise, qui intéresse le salut de milliers d'âmes, en échange d'une faible probabilité de reconduire une âme rebelle à la vie de la grâce ? Qui ne voit qu’une telle pensée ne peut être retenue que par une personne dont le sens commun a été obscurci ? « Time Jesum transeuntem et non revertentem », nous rappelle Dom Chautard. Combien salutaire est la crainte que Jésus pourrait ne pas revenir après avoir frappé une fois à la porte d'un cœur ! Et comment ces pratiques rances vilipendent l'appel de Jésus !
La punition est une dure nécessité Si un tel raisonnement ne devait pas l'emporter, on pourrait arguer que la sainte Mère l'Église doit éliminer tous les chapitres de son Code de Droit Canonique et que le Saint-Siège, une vraie « Mater Misericordiae », a échoué dans la charité lorsqu’il fulmina plusieurs dirigeants modernistes avec les sévères punitions de l’excommunication « vitando ». Certes, en tant que Mère, l'Eglise s’efforcera toujours de gouverner ses enfants en préférant la loi de l'amour, dans laquelle elle trouve la meilleure fécondité de son apostolat. Saint François de Sales a eu raison de dire que « plus de mouches sont capturés avec une petite cuillerée de miel qu'avec un tonneau de vinaigre ». Ce serait un blasphème que de croire que ce saint Docteur recommandait là une sorte de libéralisme. En effet, le Saint-Esprit met en garde que «Les mouches mortes gâtent la bonne odeur du parfum ; une folie légère et de peu de durée l'emporte sur la sagesse et sur la gloire » (Eccli 10,1). Oui, nous voulons de la miséricorde, toujours beaucoup de miséricorde, mais nous ne devons pas oublier que la miséricorde et la justice ne doivent jamais être l'une sans l'autre. Notes : (1) Léon XIII, Encyclique Depuis le jour, 8 septembre 1899. (2) Le Révérend Père José Gaspar de Affonseca e Silva a plus tard été nommé archevêque de São Paulo, un poste qu’il a occupé en 1943 quand le livre En défense de l’Action Catholique a d’abord été publié. (3) Tel est l'enseignement des sages Vermeersh-Creusen, dans leur Epitome Juris Canonici, vol. III, no. 469-1) : « L'excommunié ‘vitando’, s'il choisit d'assister passivement ou activement à l'office divin, doit être expulsé, à l'exception de la prédication de la parole divine. - Si il ne peut pas être expulsé, l’office doit cesser autant que cela peut se faire sans de graves difficultés » (c. 2259). « Si le 'vitando' ne veut pas sortir ou ne peut pas être expulsé, le prêtre doit interrompre la messe, tant qu'il n'a pas commencé le canon ; s'il a déjà commencé le canon mais pas la consécration, il peut continuer mais ne doit pas le faire ; après la consécration, il doit poursuivre jusqu'à seconde ablution, puis terminer le reste de l’office dans un endroit décent contiguë à l'église. Les autres assistants, à l'exception du ministre, doivent se retirer dès que l'insistance du ‘vitando’ à rester présent devient manifeste ». (4) Pie X, Encyclique Communium Rerum, 21 avril 1909. |