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Plinio Corrêa de Oliveira
IIème Partie
2e Chapitre Similitude avec le « modernisme »
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Titre original: Em Defesa da Ação Católica Publié par Edições "Ave Maria", São Paulo, Brésil, 1943 (1ère édition) En Défense de l’Action Catholique, préfacé par Son Excellence Mgr Benedetto Aloisi Masela, Nonce Apostolique au Brésil, 1943. La lettre d’éloges, adressée à l’auteur au nom du Pape Pie XII par Mgr Jean-Baptiste Montini, alors Substitut du secrétaire d’Etat et futur Paul VI, constitue une appréciation éloquente, de la part de l’autorité ecclésiastique suprême, des dénonciations faites par ce livre. |
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Un système doctrinal complet Il était nécessaire que nous fassions une exposition d'ensemble de tous ces principes erronés afin qu'il puisse être clairement perçu que nous sommes en présence non pas d'erreurs éparses, mais de tout un système doctrinal enraciné dans des erreurs fondamentales, et qui professe de manière très cohérente les conséquences qui en découlent.
Difficile d’être perçu par les observateurs A l'égard de ce dernier chapitre, nos lecteurs auront des attitudes variables selon les expériences de chacun et, surtout, selon la perspicacité de chacun dans l'analyse des faits. Certains, sans aucun doute, rejetteront comme peu probable l’hypothèse d'une situation pénible dont ils ont eu la chance d'avoir été épargnés, voire même d'en avoir vu les premiers signes. D'autres, au contraire, se sentiront vraiment soulagés de constater que la clameur des consciences vigilantes sonne haut et clair contre un état de choses qui risque de devenir de plus en plus grave. À l'un et à l'autre, nous recommandons d’analyser avec l’attention la plus profonde la portée de tous les gestes, attitudes et innovations qu'ils perçoivent dans certaines ambiances. S'ils le font, ils verront toujours que de telles particularités sont expliquées par quelques substrats doctrinaux plus ou moins obscurs, parfaitement liés à un ensemble de principes de base et fondamentaux qui sont les sources les plus profondes de toute cette activité.
A cause des méthodes utilisées pour le répandre Cette situation, bien que douloureuse, n'est pas nouvelle. Le modernisme, condamné par le Pape Pie X dans l'Encyclique Pascendi Dominici Gregis du 8 septembre 1907, contient des doctrines et des méthodes presque identiques à celles que nous allons décrire maintenant, et nous pourrions bien, encyclique en main, faire une description complète du mouvement actuel. Le Saint Père déclara : « Et comme une tactique des modernistes … tactique en vérité fort insidieuse, est de ne jamais exposer leurs doctrines méthodiquement et dans leur ensemble, mais de les fragmenter en quelque sorte et de les éparpiller çà et là, ce qui prête à les faire juger ondoyants et indécis, quand leurs idées, au contraire, sont parfaitement arrêtées et consistantes, il importe ici et avant tout de présenter ces mêmes doctrines sous une seule vue, et de montrer le lien logique qui les rattache entre elles ». Telle est la tâche que nous nous proposons d’accomplir en ce qui concerne le néo-modernisme, en consacrant à cette fin, la deuxième partie de ce travail.
L'homme doit être délivré de l'âpreté de la lutte intérieure Cette disposition engendre nécessairement une révolte et, par conséquent, la témérité insouciante avec laquelle ils s'attaquent à tout ce que le magistère de l'Église juge saint et vénérable. Cette erreur, qui est un fruit typique de notre époque, ressuscite en quelque sorte la doctrine de Miguel de Molinos et met à son service les méthodes de combat et de propagande du modernisme. Pie XI a vu clairement ce défaut de l'homme contemporain, lorsque, en ce qui concerne l'esprit de nos jours, il affirmait : « Le désir effréné des plaisir, en énervant les forces de l'âme et en corrompant les bonnes mœurs, détruit peu à peu la conscience du devoir. De fait, ils ne sont que trop nombreux aujourd'hui ceux qui, attirés par les jouissances de ce monde, n'abhorrent rien plus vivement, n'évitent rien plus soigneusement que les souffrances que se présentent ou les afflictions volontaires de l'âme et du corps, et si conduisent habituellement, selon le mot de l'Apôtre, comme les ennemis de la croix du Christ. Or, personne ne peut obtenir surement la béatitude éternelle, s'il ne renonce à lui-même, s'il ne porte sa croix et ne suit le Christ, plus encore, s'il ne reproduit en lui-même et ne manifeste au dehors l'image du Christ, car ceux qui sont du Christ ont crucifié leur chair avec leurs vices et leurs concupiscences ». (1)
En lui donnant une formation liturgique erronée La tentative de voir dans la Liturgie une source de sanctification automatique qui exonère l'homme de toute mortification, de tout effort de vie intérieure, et de la lutte contre le diable et les passions, est vaine et contredit les enseignements de l'Église. En effet, aussi efficace que puisse être la prière officielle de la Sainte Mère Eglise, et aussi surabondants que soient les mérites infinis de la Sainte Messe, « Il est nécessaire qu'ils (les hommes) accomplissent ce qui manque à la passion du Christ chacun dans sa propre chair ; (…) en effet, si le Seigneur Jésus a souffert pour nous, nous ne sommes pour cela ni exempts de pleurer et d'expier nos fautes, ni autorisés à les expier avec négligence ». (2) Il serait également intéressant de lire, à cet égard, la citation tirée de l'ouvrage de l’abbé De La Taille que nous citons à la page 124. De toute évidence, par la diffusion de telles idées (à travers leurs méthodes de propagande très efficaces) dans une tentative audacieuse de « réformer » le concept de la piété chrétienne et notamment une de ses caractéristiques les plus saillantes, à savoir l'amour de la souffrance, ces membres de l'Action Catholique, même sans le savoir, font à l'Eglise un plus grand mal que ses ennemis déclarés, et c'est précisément pour cette raison qu’on peut leur appliquer ce qu’a dit Pie X des modernistes : « Nous parlons, Vénérables Frères, d'un grand nombre de catholiques laïques, et, ce qui est encore plus à déplorer, de prêtres, qui, sous couleur d'amour de l'Eglise, absolument courts de philosophie et de théologie sérieuses, imprégnés au contraire jusqu'aux moelles d'un venin d'erreur puisé chez les adversaires de la foi catholique, se posent, au mépris de toute modestie, comme rénovateurs de l'Eglise ». (3) En effet, qu'y aurait-il de plus caractéristique d'un réformateur que de détruire des méthodes éprouvées, des institutions remplies de bénédictions de l'Église, et des pratiques pieuses approuvées par les actes d'autorité les plus augustes, sous prétexte de libérer l'Eglise des germes de libéralisme qui sont censés s'être glissés en elle, et établir sur tant de ruines les fondements d'une nouvelle vie spirituelle basée sur un concept « réformé » et complètement différent des relations entre la grâce et le libre arbitre de l'homme ? Au fond, comme nous l'avons dit, l'objectif même de ces efforts consiste en un assouplissement de la vie intérieure. Alors, Léon XIII dit, « Tenons donc pour certain que, dans la vie chrétienne, l'intelligence doit s'abandonner tout à fait à l'autorité divine. Que si, dans cette soumission de la raison à l'autorité, la fierté de l'esprit, si vive en nous, se trouve contrainte et gémisse un peu; il en ressort davantage que le chrétien doit se plier à une grande patience, non seulement de volonté, mais encore d'esprit. Nous voudrions voir s'en souvenir ceux qui imaginent et préfèrent ouvertement, dans la profession du christianisme, une règle de pensée et d'action dont les lois seraient plus douces, beaucoup plus indulgentes pour la nature humaine, avec peu ou point de patience. Ils ne comprennent pas assez l'esprit de la foi et des institutions chrétiennes : ils ne voient pas que de tous côtés se présente à nous la croix pour servir de modèle à la vie et pour rester toujours l'étendard de ceux qui veulent suivre le Christ, non seulement de nom, mais par des actes réels ». (4) En complétant cette pensée, le même Souverain Pontife dit encore : « La perfection de la vertu chrétienne c’est cette généreuse disposition de l'âme qui recherche les choses ardues et difficiles ». (5) Pour sa part, Pie XI écrit : « A ce sujet, nous ne l'ignorons pas, certains éducateurs de la jeunesse, effrayés de la dépravation actuelle des mœurs, qui, pour le plus grand malheur des âmes, précipite à la ruine tant de jeunes gens, ont pensé que pour éviter de tels désastres à la société, il fallait de toute nécessité inventer de nouveaux systèmes d'instruction et d'éducation. Mais è ces hommes Nous voudrions faire bien comprendre, qu'ils ne sauraient procurer aucun avantage à la société, s'ils laissent de coté les méthodes et la discipline empruntées aux sources de la sagesse chrétienne, consacrées par la longue expérience des siècles, et dont Louis de Gonzague a éprouvé sur lui-même la parfaite efficacité: Nous voulons dire: la foi vive, la fuite des séductions, la modération et le refrènement des appétits, une piété agissante envers Dieu et la Sainte Vierge, une vie enfin fréquemment entretenue et fortifiée par le céleste aliment ». (6) Une lutte intérieure active et diligente contre ses passions est toujours une « condition de la sanctification et même du salut ». Le Saint-Esprit dit : « Ne te laisse point aller à tes convoitises, et détourne-toi de ta propre volonté. Si tu contentes les désirs de ton âme, elle fera de toi la joie de tes ennemis » (Eccl. 18 :30-31). Nous ne pouvons pas permettre, par conséquent, à cette condescendance de s'emparer de l'Action Catholique. Nous savons bien que nos déclarations provoqueront l'étonnement. En effet, beaucoup de ces personnes, tout comme les modernistes, impressionnent par leur mode de vie, alors qu'en réalité même leurs vertus privées contribuent à la diffusion de leurs erreurs. « Ils mènent une vie toute d'activité, une assiduité et une ardeur singulières à tous les genres d'études, des mœurs recommandables d'ordinaire pour leur sévérité » (Pie X, Encyclique Pascendi Dominici Gregis). Les idées qu'ils propagent, et les conseils qu'ils donnent, toutefois, ne sont pas bons. Nous ne voulons pas terminer ce chapitre sans faire une observation que nous jugeons importante. Une autre manifestation curieuse de l'esprit frivole et sensuel de notre époque et de la façon dont il se mélange, dans des nombreuses mentalités, avec des principes et des convictions religieuses et tend à produire une piété complètement contaminée par le laxisme et l'amour du confort, peut être trouvée dans le souci permanent de mettre en avant de nouvelles ou vielles dévotions à tel ou tel saint, à telle ou telle perfection de Dieu, à tel ou tel épisode de la vie de notre Rédempteur, y attribuant toujours un effet magique et, pour ainsi dire, mécanique de résolution de tous les problèmes religieux actuels. Au siècle dernier, Mgr Isoard, un prélat français, publia une analyse ardente et profonde sur cette question, en montrant que par-dessus tout, Dieu est heureux de voire « un cœur contrit et humilié », et que la pénitence du pécheur est indispensable pour obtenir la grâce de Dieu. Pour sa part, Pie XI s'est plaint dans une sévère allocution de toutes les exigences tyranniques de nombreuses personnes qui écrivent au pape lui suggérant et demandant d’une façon presque menaçante de bien vouloir sauver l'Église par le biais de telle ou telle nouvelle dévotion. C'est ce sentiment profond de l'horreur de la mortification qui a fini par générer la doctrine de l'action mécanique et magique de la liturgie. Notes : (1) Pie XI, Lettre Magna Equidem, 2 août 1924 : Actes de S.S. Pie XI, Bonne Presse, Paris, tome I, pages 142-143. (2) Pie XI, Lettre Magna Equidem, 2 août 1924 : Actes de S. S. Pie XI, Bonne Presse, Paris, Tome II, page 146. (3) Pie X, Encyclique Pascendi Dominici Gregis, 8 septembre 1907 (4) Léon XIII, Encyclique Tametsi Futura Prospicientibus, 1 novembre 1900. (5) Léon XIII, Encyclique Auspicato Concessum, 17 septembre 1882. (6) Pie XI, Lettre Apostolique Singulare Illud, 13 juin 1926 : Actes de S.S. Pie XI, Maison de la Bonne Presse, Paris, tome II, page 225). Le souligné est nôtre. |