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Plinio Corrêa de Oliveira
Ière
Partie
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Titre original: Em Defesa da Ação Católica Publié par Edições "Ave Maria", São Paulo, Brésil, 1943 (1ère édition) En Défense de l’Action Catholique, préfacé par Son Excellence Mgr Benedetto Aloisi Masela, Nonce Apostolique au Brésil, 1943. La lettre d’éloges, adressée à l’auteur au nom du Pape Pie XII par Mgr Jean-Baptiste Montini, alors Substitut du secrétaire d’Etat et futur Paul VI, constitue une appréciation éloquente, de la part de l’autorité ecclésiastique suprême, des dénonciations faites par ce livre. |
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Comme on peut le constater, l'étude de la nature juridique exacte de l'organisation fondée par Pie XI revêt une importance capitale. Avant de traiter la question, il est utile d'énumérer quelques principes généraux concernant le fait lui-même. Développement de certaines notions données dans le chapitre précédent Comme nous l'avons dit, le mot latin mandatum a la signification spéciale d'un ordre ou d'un acte impératif par une personne investie de l'autorité, sur ses sujets. Ainsi, ce mot serait l'équivalent du terme français « commandement » qui nous désigne les lois de Dieu et de l'Église comme expression de la force impérative qu'ils exercent sur nous. C'est dans ce sens que Notre Seigneur a institué un mandat sur les apôtres, quand il leur ordonna de prêcher l'Evangile à tous les peuples de la terre. En ce sens - le seul accepté dans le langage ecclésiastique à ce sujet -, les procurations que le droit civil brésilien appelle des mandats, et que le mandataire peut accepter ou non, ne sont pas des vrais mandats. Les auteurs d'ouvrages sur l'Action Catholique dont nous réfutons les opinions croient que Pie XI a institué un mandat au profit des laïcs en les encourageant à s'inscrire à l'Action Catholique, ce qui revient à affirmer que les organisations fondamentales de l'Action Catholique ont un mandat qui leur est propre. En ce qui concerne les autres organisations apostoliques, puisqu’elles ne proviennent pas d'une initiative de l'Eglise, mais d’une motion purement individuelle ; puisqu’elles ne reçoivent pas une responsabilité avec un ordre de l'exécuter, mais n’ont qu’une simple autorisation d'agir ; et, enfin, puisqu’elles n'ont pas l'autorité de l'Église elle-même pour mener à bien leurs objectifs et développer leurs activités, mais plutôt un simple « laisser-faire, laissez-passer », ces organisations se retrouvent dans une situation radicalement inférieure, à un niveau tout à fait différent, séparées de l'Action Catholique par l'immense distance qui sépare essentiellement l'action des sujets de l'action officielle de l'autorité.
L’inconsistance philosophique des doctrines décrites dans le chapitre précédent Avant d'entrer dans l'analyse du fait historique et vérifier si Pie XI a vraiment accordé un tel mandat à l'Action Catholique, nous allons examiner cette doctrine en elle-même, afin de montrer son absence totale de fondement. Afin que notre description ne reste pas exclusivement théorique, évitons le domaine de la pure abstraction et imaginons un cas concret.
Des différents types de collaboration Un homme possède un champ trop large pour être productif sans l'aide de collègues de travail. Il sera capable de remédier à cette insuffisance par les moyens suivants : 1. imposer à certains de ses fils, en vertu de son autorité paternelle, la tâche de cultiver le terrain ; 2. recommander à ses fils de le faire, et approuver le travail qu'ils effectuent ; 3. ne prendre aucune initiative en la matière, mais donner son consentement à une initiative spontanée de ses fils ; 4. donner son approbation a posteriori au fait que ses fils, supposant à juste titre que telle était la volonté de leur père, ont préparé pour lui l'agréable surprise de voir le travail accompli.
Tous ont la même essence Notez que, du point moral et juridique, ces hypothèses ne diffèrent les unes des autres que dans l'intensité plus ou moins grande de l’acte de volonté du propriétaire. Cet acte de volonté est également la source de la licéité pour tous. D'ailleurs, la morale distingue, avec toutes les convenances, différents types d'actes volontaires. En plus de l'acte volontaire « in se », qui est un acte simple et effectivement volontaire, effectué « scienter et volenter », il y a aussi, entre autres, l’acte volontaire virtuel et l’acte volontaire interprétatif. L'acte volontaire virtuel est celui qui procède d'une volonté déterminée à dessein, non reflétée dans sa détermination mais non tournée vers elle actuellement, de sorte le sujet ne prend pas cette détermination en considération. Dans l'acte volontaire interprétatif, il n'y a pas eu et il n’y a aucune détermination de la volonté, mais étant donné les dispositions morales du sujet, il y en aurait certainement eu s'il avait été au courant de certains événements et circonstances de fait.
Et produisent des effets analogues Tous ces actes sont volontaires, tant et si bien qu'ils peuvent être une cause de mérite ou de démérite (1), et ils donnent les mêmes prérogatives essentielles à tous leurs agents : 1. Le droit d'exercer une activité dans un champ, dans la mesure où la tâche l'exige, et en vertu d'une délégation exprimée ou légitimement présumée du propriétaire du champ, de façon ou bien impérative ou simplement recommandée. 2. De là découle le droit, qui est encore une conséquence de la volonté du propriétaire, de mettre un terme aux perturbations que des tiers pourraient provoquer contre l'exercice de cette activité légitime. Que ce soit par le premier ou le second de ces effets, nous appelons l'attention du lecteur sur un fait d'importance capitale : non seulement l'ordre impératif du propriétaire du champ, mais également toute forme de travail effectué avec son consentement exprès ou simplement présumé confère ou entraîne ces conséquences morales et juridiques. La première serait dans l'obéissance à un «mandat», les autres seraient en collaboration. Cependant, en tout état de cause, que ce soit par rapport au propriétaire ou à l'égard des tiers, les mandataires et les collaborateurs seraient tout autant des canaux légitimes de la volonté du propriétaire que ses représentants légitimes.
Distinction entre mandat et collaboration A ce stade de l'exposé, il est opportun de clarifier la relation entre les concepts de mandataire et collaborateur. Comme nous l'avons vu, il n'y a pas de mandataire qui ne soit pas aussi un collaborateur au sens étymologique du mot, puisque sa fonction est précisément l'exécution de la tâche du mandant, avec qui et au nom duquel il travaille. Tout collaborateur est-il un mandataire ? Si nous prenons le terme mandatum dans le sens strict énoncé ci-dessus, qui est le seul admissible dans la terminologie ecclésiastique, la réponse est non. Mais la différence entre les divers types de collaborateurs, dont le mandataire n’est seulement qu’une espèce, se trouve seulement en ce que toute opposition à la volonté ou activité du délégué sera d’autant plus illicite que la délégation du propriétaire sera catégorique. En cette matière, il n'y a qu'une simple différence d'intensité et rien d'autre, une différence qui ne change pas le problème qualitatif. Résumons. Tout collaborateur ou mandataire peut être considéré comme un membre distinct de l'agent principal ou mandant, à titre d'exécuteur de sa volonté. Quelle que soit l'hypothèse, nous sommes toujours en présence de différents membres du mandant, dont la seule diversité de conditions à l'égard de ce dernier tient au degré auquel ils obéissent à sa volonté. Mais la nature du lien moral et juridique qui les lie au mandant est toujours la même. Tout mandataire est un collaborateur. Chaque collaborateur est, en quelque sorte, un délégué du mandant à l'égard des tiers.
Mandat et délégation À cet égard, il est bon de souligner plus clairement encore la distinction entre le mandatum, au sens impératif, et le mandat au sens civil, c'est à dire une « procuration ». Il y a procuration, ou délégation de fonction, chaque fois qu'une personne rend une autre responsable d'une certaine tâche. Dans la terminologie du droit civil positif, on distingue entre le mandat de services payés et celui de la collaboration gratuite. Néanmoins, dans le domaine du droit naturel, pour l'essentiel, toute collaboration consentie, même si le consentement n’est que présumé, est une délégation. En effet, la collaboration est l'insertion de l'activité d'une personne dans celle de quelqu'un d'autre. Or, puisque chaque personne est propriétaire de sa propre activité, la collaboration n’est licite que si elle est autorisée, même si ce n'est qu’une autorisation présumée. En ce sens, à l'égard des tiers, le collaborateur est un représentant de la volonté de la personne pour laquelle il travaille. Toute collaboration licite implique donc une délégation.
Résumé des notions données dans ce chapitre jusqu’ici En raison de l'extrême complexité du sujet, nous allons résumer à nouveau ce qui a été dit : a) Toute activité exercée dans la tâche de quelqu'un d'autre est une collaboration. En ce sens, les collaborateurs sont ceux qui agissent sur ordre de quelqu'un, par sa recommandation, ou simplement par son consentement présumé ; b) Puisque la nature juridique de ces relations est la même dans toutes les hypothèses, les variantes résultant de ces dernières constituent des types divers au sein d'une espèce commune, et les diversités qui existent entre ces types ne créent pas de différences essentielles ; c) En tant que collaborateurs authentiques, tous peuvent s’appeler, au sens plus large du mot, délégués du mandant ; d) Par conséquent, les différents types de collaboration impliquent dans l'ordre concret que, comme la volonté du mandant est la source du droit, toute opposition à l'activité de son collaborateur sera d’autant plus illicite que la volonté du mandant sera plus positive, grave et énergique. Compte tenu de tout cela, nous arrivons à une conclusion d'une évidence cristalline : a priori, et sans entrer dans l'évaluation de la réalité historique du mandat que Pie XI aurait donné à l'Action Catholique, nous pouvons affirmer qu’un tel mandat, en soi, serait radicalement inefficace pour modifier de manière substantielle et essentielle le caractère juridique de l'apostolat des laïcs confié à l'Action Catholique.
Mandat et collaboration à l'égard de l'apostolat des laïcs Essayons d'appliquer de façon plus concrète les principes généraux qui viennent d'être dégagés, en abandonnant l'exemple du père avec un champ à cultiver pour examiner directement les relations entre la hiérarchie et les œuvres d'apostolat des laïcs. Les efforts personnels et directs des membres de la hiérarchie étant insuffisants pour la pleine réalisation de la tâche que leur imposa le Divin Fondateur, ils ont recours à l'aide des laïcs, et précisément, comme le propriétaire du champ, ils adoptent pour ce faire l'une des positions suivantes : a) obliger les laïcs à exercer l'apostolat tel qu'il est censé avoir été imposé à l'Action Catholique ; b) recommander aux laïcs qu'ils entreprennent une certaine tâche, comme c'est le cas avec de nombreuses associations qui sont approuvées et vivement encouragées par la hiérarchie dans leurs activités ; c) approuver des œuvres ou initiatives que les personnes privées organisent spontanément et soumettent à leur approbation préalable ; d) accorder une approbation générale à toutes les initiatives ou travaux purement individuels des fidèles qui auraient pour but de faire de l'apostolat (2). Le mandat n'est pas suffisant pour donner à l'Action Catholique une essence juridique différente de celle des autres organismes laïques Le premier cas est le seul dans lequel un mandat peut être reconnu. Dans les autres cas, il n'y aurait pas de mandat. Mandataires ou non, tous seraient de vrais collaborateurs de la hiérarchie et auraient à son égard un statut juridique essentiellement identique.
Le mandat est simplement une manière d'accorder des pouvoirs, et n'a rien à voir avec la nature et la portée des pouvoirs accordés À cet égard, nous devons souligner qu'il est erroné de présumer que le mandat - auquel ils attribuent un effet merveilleux (dont nous avons montré qu'il n'existe pas) - découle du fait que le Saint-Père a rendu obligatoire pour tous les laïcs de s'inscrire dans les rangs de l'Action Catholique. Nous allons maintenant montrer qu'il n'est pas nécessaire d'admettre cette obligation d'inscription pour tous les fidèles pour soutenir que l'Action Catholique a un mandat. Une simple comparaison montrera cela mieux que toute digression doctrinale. Quand l'Etat convoque ses citoyens à une mobilisation générale, avec le mandatum de rejoindre les rangs, il leur donne des responsabilités caractéristiques de l'Etat. Les mêmes responsabilités peuvent, toutefois, être accordées à des bénévoles, dont l'enrôlement dans l'armée résulte non d’un acte impératif, mais d'un acte libre. Le mandatum, comme on le voit, n'est pas un élément nécessaire à l'octroi d'une responsabilité officielle. Pour cette raison, les pouvoirs d'un évêque sont tout aussi réels quand il accepte sa charge en vertu d'une institution de l'autorité que lorsque la charge découle d'une simple recommandation, ou même quand il l'obtient après l'avoir cherchée lui-même. Ainsi, que l'on admette ou non l'obligation des laïcs de s’inscrire à l'Action Catholique, aucune conséquence essentielle n’en résulte s'agissant des pouvoirs qu'elle détient. Même si l'inscription est facultative, le mandat tomberait entièrement sur l'Action Catholique en tant qu’organisme collectif sur lequel le Saint-Siège a impérativement imposé une certaine tâche. Tous ceux qui s'inscrivent à l'Action Catholique, même de leur propre gré, deviendraient participants de son mandat. En d'autres termes, ce n'est pas sur ce point que l’on peut trouver une différence essentielle entre l'Action Catholique et d'autres organisations laïques.
Il y a d’autres œuvres dotées d'un mandat, auxquelles n'a jamais été attribuée une essence juridique différente de celle des autres œuvres de l'apostolat des laïcs Ici, nous pouvons faire quelques considérations du plus grand intérêt. S'il est certain que l'Action Catholique a le devoir, imposé par le Saint-Père, de faire de l'apostolat il n'est pas certain que d'autres œuvres d'apostolat des laïcs préexistantes et sans lien avec des associations de base de l'Action Catholique n'aient pas de mandat, soit une obligation absolue et définitive d'exercer une certaine tâche d'apostolat. Ce n'est pas difficile de trouver des œuvres d'apostolat des laïcs établies grâce à l'initiative des papes ou des évêques, et parfois chargées par eux d'obligations très importantes, qu'elles ne pourraient pas manquer d'entreprendre sous peine de désobéissance grave. Beaucoup d'autres œuvres issues de l'initiative privée, avec une simple approbation ecclésiastique, ont reçu par la suite des ordres de la hiérarchie pour effectuer certaines tâches, des tâches qui, souvent, constituent la partie centrale et préférée de plus d'un programme de gouvernement épiscopal. On n'a jamais prétendu, toutefois, que ces œuvres, dotées d'un mandat clair et incontestable, placent leurs exécuteurs laïcs dans une situation juridique fondamentalement différente. Il y a plus. Après que l'Action Catholique ait été organisée parmi nous, l'Assemblée Plénière du Conseil Brésilien a rendu obligatoire la fondation de confréries du Très Saint Sacrement dans toutes les paroisses, les chargeant impérativement de la glorieuse tâche, entre autres, de veiller à la splendeur du culte. Il s'agit d'un mandat. Qui oserait affirmer, cependant, que cela a altéré la nature juridique de ces très anciennes confréries ? Pourrait-il y avoir preuve plus concluante que l'Action Catholique n'est pas la seule à posséder un mandat et n'a pas, implicitement, une nature juridique fondamentalement différente de celle des autres associations ? En tant que président de l'Action Catholique, l'auteur de ce livre, écrit pour défendre l'Action Catholique contre le danger suprême d'usurper des titres qu'elle ne possède pas, ne pouvait manquer d'être extrêmement reconnaissant des très hautes prérogatives avec lesquelles l'Eglise a honoré l'Action Catholique. Ainsi, il serait absurde pour nous de dénigrer ou de diminuer à dessein tout ce qui, au contraire, nous sommes obligés de défendre. Tout en refusant à l'Action Catholique un ordre juridique qu'elle ne possède pas, nous ne pouvons manquer de souligner que les droits expressément accordés à l'Action Catholique aux termes de la charte et les statuts actuels de l'Action Catholique Brésilienne, restent intacts tout au long de notre argumentation. Ces prérogatives, tout en élevant l'Action Catholique à la dignité de la plus haute instance d’apostolat des laïcs, ne retire en aucun cas sa qualité de sujet de la hiérarchie. Bien que nous essayons de réduire les excès de certains milieux de l'Action Catholique, nous ne lui faisons ni combat ni la guerre, ce qui serait de notre part non seulement un affront, mais l'absurdité la plus flagrante. Au contraire, nous lui rendons un service d'importance suprême en cherchant à l'empêcher d'abandonner son rôle glorieux de servante de la hiérarchie et de sœur remarquable de toutes les autres organisations catholiques pour devenir un cancer dévorant et un germe de désordre. Ayant mentionné le règlement intérieur de l'Action Catholique brésilienne, nous pouvons clore ces considérations avec une dernière réflexion qu’elles nous suggèrent. Une fois que ces statuts avaient été promulgués et que des associations religieuses antérieures à l'Action Catholique avaient été placées dans l'état d'entités auxiliaires, il est admis comme incontestable qu'elles ont l'obligation d'aider les différents secteurs fondamentaux de l'Action Catholique dans la mesure et à la façon dont leurs propres règles ou statuts le permettent. Alors, qui a imposé cette obligation d'aider l'apostolat ? La hiérarchie. Et qu’est-ce qu’une obligation imposée par la hiérarchie sinon un mandat ? Pour résumer ces considérations, nous devrions conclure que l'Action Catholique a bel et bien un mandat imposé par la hiérarchie, mais que ce mandat ne modifie pas son essence juridique, qui est identique à celle de beaucoup d'autres œuvres d'apostolat des laïcs, antérieurs ou postérieurs à la constitution de la structure juridique actuelle de l'Action Catholique. Tout comme personne n'a jamais prétendu que les travaux susmentionnés ont une essence juridique fondamentalement différente de celle des autres œuvres de laïcs, de même, il n'y a aucune raison de faire une telle revendication au nom de l'Action Catholique.
Certains fidèles sont eux aussi investis de mandats, mais cela ne les rend, dans la sainte Mère l'Église, rien de plus que de simples sujets Nous allons maintenant ajouter une observation. Il y a des gens qui, en vertu d'un grave devoir de justice ou de charité, ont l'obligation d’accomplir certains actes d'apostolat, selon un impératif d'ordre moral, institué par Dieu Lui-même. Telle est, par exemple, le cas des parents à l'égard de leurs enfants, des employeurs à l'égard de leurs employés, des enseignants à l'égard de leurs élèves, et ainsi de suite. Tous les fidèles, dans certaines circonstances, ont le même grave devoir en ce qui concerne les autres, comme par exemple dans le cas d'une personne venant en aide à un moribond. Or, toutes ces obligations constituent de vrais commandements, et plusieurs organisations ont été créées pour faciliter l'accomplissement de ces tâches par les mandataires. C’est le cas des associations de parents chrétiens, des enseignants chrétiens, etc. Malgré cela, ni ces organisations, ni ces mandataires ne se sont jamais trouvés, à l'égard de la hiérarchie, dans une situation qui ne soit pas essentiellement identique à celle d'un laïc. Et pourtant, il s'agit d'un véritable mandat. En ce sens, l'avis de l’Abbé Liberatore est significatif. Dans son traité de Droit Public Ecclésiastique, publié en 1888, il se réfère à la lettre aux parents et aux enseignants en tant que mandataires de la hiérarchie. La nature juridique de l'Action Catholique n'est en aucune manière, par conséquent, une nouveauté dans la sainte Eglise.
Documents Pontificaux En outre, c'est précisément ce que le Saint-Père Pie XI disait avec insistance quand il identifia, à plusieurs reprises, l'Action Catholique de son temps avec l’apostolat ininterrompu des laïcs qui existe dans l'Église depuis sa fondation. Il a fait référence à l'Action Catholique de l'époque apostolique avec le même nom (et utilisant aussi des majuscules) que l'Action Catholique de notre temps. Écoutons ses paroles aux femmes de la Jeunesse des Travailleurs Catholiques Italiens, le 19 mars 1927 : « La première diffusion du christianisme à Rome a été réalisée avec l'Action Catholique. Aurait-on pu faire autrement ? Que pouvaient faire les Douze, perdus dans l'immensité du monde, s’ils n'avaient pas réuni des collaborateurs autour d'eux ? Saint Paul termine ses épîtres avec une litanie de noms, parmi lesquels se trouvent quelques prêtres, mais aussi de nombreux laïcs et même des femmes : Aidez, dit-il, ceux qui travaillent avec moi dans l'Evangile. Saint Paul semble dire : Ils sont les membres de l'Action catholique ». Cet extrait nous montre que dès le début de la vie de l'Église, la hiérarchie a commencé à convoquer les fidèles, comme l’a fait Pie XI, pour les travaux de l'apostolat. Comme pour souligner la complète et par ailleurs glorieuse identité entre l'Action Catholique de son temps et celle de la plus haute antiquité, Pie XI écrit les mots « Action Catholique » avec des majuscules dans les deux références ; et s'adressant aux évêques et pèlerins de Yougoslavie, le 18 mai 1921, il ajoute : « L’Action Catholique n'est pas une nouveauté de l'époque actuelle. Les apôtres en ont posé les fondations lorsque, dans leurs pèlerinages pour répandre l'Evangile, ils ont demandé l'aide des laïcs - hommes et femmes, magistrats et soldats, jeunes, vieux, et adolescents, qui avaient fidèlement gardé la parole de vie annoncée parmi eux au nom de Dieu ».
Sommations et mandats antérieurs à la création de la structure actuelle de l'Action Catholique Aussi complète que soient l'adaptabilité de la structure juridique de l'Action Catholique et ses méthodes en ce qui concerne les problèmes de nos jours, nous ne voyons pas comment, après ces documents, on pourrait soutenir qu'aujourd'hui l'Action Catholique ait reçu un mandat qui la rendrait essentiellement différente de l'Action Catholique existant dans l'Église depuis les temps apostoliques jusqu'à nos jours. D'ailleurs, il convient de noter que, durant les vingt siècles de son existence, l'Eglise a répété aux fidèles de façon ininterrompue cet appel à l'apostolat, parfois au moyen d'encouragements, d'autres fois, par le biais de convocations ; et ces convocations, en tout identiques à celles formulées par la hiérarchie aux premiers siècles, sont également identiques à celles que la hiérarchie formule aujourd'hui. En effet, quel historien de l'Eglise oserait affirmer qu'il y a eu un siècle, un année, un mois ou un jour où l'Église n'ait pas demandé et utilisé la coopération des laïcs avec la hiérarchie ? Pour ne pas en parler des croisades, un type caractéristique d'action catholique militarisée, convoquées très solennellement par les papes ; ou de la chevalerie et des ordres de chevalerie, dont les moines guerriers ont été investis par l'Eglise d'amples facultés et charges apostoliques ; ou des innombrables fidèles qui, attirés par l'Eglise aux associations d'apostolat qu’elle a fondées, ont collaboré avec la hiérarchie, examinons d'autres institutions où notre argumentation devient particulièrement solide. Personne n'ignore qu'il y a dans l’Eglise divers ordres et congrégations religieuses qui admettent des personnes qui n'ont pas reçu l'onction sacerdotale. Parmi eux se trouvent, tout d'abord, les institutions religieuses féminines ainsi que quelques congrégations masculines telles que les Frères Maristes. En outre, il existe de nombreux religieux qui ne sont pas prêtres, mais qui sont admis comme assistants dans les ordres religieux de prêtres. On ne saurait nier sans témérité que, d'une manière générale, les membres de ces ordres ou congrégations ont reçu leur vocation du Saint-Esprit. Par l'affiliation avec leurs institutions respectives, l'Eglise leur impose officiellement la responsabilité de faire de l'apostolat ; en d'autres termes, elle renforce avec des peines plus fortes l'obligation que, comme fidèles, ils avaient déjà de se livrer à l'apostolat et d'accomplir certains actes obligatoires d’apostolat. En dépit de tout cela, certains croient que l'effet mystérieux et merveilleux du mandat de l'Action Catholique place ses membres au-dessus de tout religieux qui n'a pas les ordres. Pourquoi ? En vertu de quel sortilège ? Si ces religieux n'ont jamais été considérés comme partie intégrante de la hiérarchie, étant de simples sujets de l'Eglise, pourquoi devrait-il en être autrement quand il s'agit de l'Action Catholique ? Comme on peut le constater, il n'y a aucune raison d'attribuer à la convocation faite par Pie XI, considérée en soi, une portée plus grande que celles faites par ses prédécesseurs.
Conclusion Il est certain que Pie XI a fait une convocation particulièrement grave en raison des risques très pressants auxquels fait face l'Eglise, et qu'il a donné à cet appel une portée plus générale, comprenant tous les fidèles d'une certaine façon. Néanmoins, comme nous l'avons déjà dit, tous les fidèles ont été convoqués à l'apostolat en d'autres temps aussi. Pie XI lui-même le dit dans l'allocution susmentionnée aux évêques et aux fidèles de la Yougoslavie, en rappelant que, à Rome, «Pierre et Paul ont demandé cette coopération dans leurs travaux de toutes les âmes de bonne volonté». Alors que la gravité des risques n’a certainement jamais été aussi grande que de nos jours, dans la mesure où jamais nous n'avions été menacés par une apostasie si profonde et générale, il est non moins certain que ces risques étaient aussi imminents dans d'autres temps qu’ils le sont maintenant. Par conséquent, la portée juridique des appels lancés par les papes à cette époque n'aurait pu être moindre que celle d'aujourd'hui. Citons des documents pontificaux appelant les fidèles à l'apostolat et même leur commandant de le faire. Pie IX dit que les fils de l'Eglise « s'ingénient avant tout à les (aux infidèles) tirer des ténèbres, des erreurs où ils sont plongés misérablement, de les ramener a la très aimante Mère l'Eglise » (3). Et le Concile du Vatican donne ce mandat très solennel à tous les fidèles : « C'est pourquoi, remplissant le devoir de Notre charge pastorale suprême, Nous conjurons par les entrailles de Jésus-Christ tous les fidèles du Christ, surtout ceux qui sont à leur tête ou qui sont chargés d'enseigner, et, par l'autorité de ce même Dieu, Notre Sauveur, Nous leur ordonnons d'apporter tout leur zèle et tous leurs soins à écarter et à éliminer de la sainte Église ces erreurs et à propager la très-pure lumière de la foi » (4). A cela, Léon XIII ajoute : « Nous voulons aussi que Vous excitiez tous en général, mais surtout ceux qui, par leur science, leur fortune, leur dignité, leur pouvoir l'emportent sur les autres, afin que dans toute leur vie, aussi bien privée que publique, ils aient de plus en plus à cœur l'honneur de la religion, la cause de l'Eglise, et que sous Votre conduite et Vos auspices, ils agissent avec plus d'élan, et ne se refusent pas de soutenir et d'étendre tout ce qui est déjà institué ou doit l'être pour favoriser les intérêts catholiques » (5) Dans l’encyclique Sapientiae Christianae, du 10 janvier 1890, le Saint-Père ajoute : « Dans ce déluge universel d'opinions, c'est la mission de l'Eglise de protéger la vérité et d'arracher l'erreur des âmes, et cette mission, elle la doit remplir saintement et toujours, car à sa garde ont été confiés l'honneur de Dieu et le salut des hommes. Mais, quand les circonstances en font une nécessité, ce ne sont pas seulement les prélats qui doivent veiller à l'intégrité de la foi, mais, comme le dit saint Thomas : «Chacun est tenu de manifester publiquement sa foi, soit pour instruire et encourager les autres fidèles, soit pour repousser les attaques des adversaires ». Et dans la même encyclique, le Saint-Père rappelle le texte ci-dessus du Concile du Vatican, en ajoutant : « Que chacun donc se souvienne qu'il peut et qu'il doit répandre la foi catholique par l'autorité de l'exemple, et la prêcher … ». Plus tard, dans la lettre sur l’américanisme, Testem Benevolentiae, le Saint-Père déclare que « La Parole de Dieu nous enseigne que chacun a le devoir d'œuvrer pour le salut de son voisin, selon l'ordre et la position dans laquelle on est placé. Les fidèles accompliront avec fruit cette tâche qui Dieu leur a confiée, par l'intégrité de leurs coutumes, par les œuvres de charité chrétienne, par une prière ardente et constante ». Dans l'Encyclique Graves de Communi, du 18 janvier 1901, après avoir recommandé un contrôle centralisé des efforts de tous les catholiques, le Saint-Père ajoute : « Ce rôle, Nous voulons qu'il soit rempli en Italie par cet Institut des Congrès et Assemblées catholiques maintes fois loué par Nous, œuvre à laquelle Notre prédécesseur et Nous-même avons confié le soin d'organiser l'action commune des catholiques sous les auspices et la direction des évêques. Qu'il en soit de même chez les autres nations, s'il s'y trouve quelque assemblée principale de ce genre à qui ce mandat ait été légitimement confié ». Enfin, dans l’Encyclique Etsi Nos, du 15 février 1882, on trouve cette réflexion énergique : « Car l'Église n'a pas élevé ou éduqué ses fils avec l'idée, que, lorsque le temps et la nécessité l’exigent, elle ne puisse s'attendre à aucune aide de leur part, mais bien afin qu'ils préfèrent le salut des âmes et l'intégrité de la doctrine chrétienne plutôt que leur aise et leurs intérêts égoïstes ». Pour conclure ces considérations, employons une analogie. Normalement, tous les citoyens ont des devoirs envers leur pays, parmi lesquels figure le devoir de le défendre s’il est attaqué. Cette obligation, qui précède la promulgation d'une loi de l'Etat, relève de la morale. Si, en outre, l'État appelle ses citoyens aux armes, leur rappelant l’obligation de défendre leur pays, leur obligation devient encore plus grave. Mais on ne peut pas soutenir qu'un tel appel implique une promotion massive au rang d'officier. Au contraire, plus que jamais, l'heure est aux grands renoncements et à la discipline inconditionnelle. Alors qu’il lança un appel général, Pie XI n’a promu personne et n’a promis aucune récompense. Au contraire, la gravité du danger qu’il dénonce recommande impérativement la discipline et l’abnégation, tout en condamnant sévèrement la soif de pouvoir et les envies de désordre. Notes: (1) cf. Cathrein, Philosophia Moralis, pp. 52 et 54, Herder, 15e éd. (2) Afin d'éviter toute confusion, nous voulons inclure dans l'ordre général des idées ici exposées une distinction bien connue qui a, en outre, une valeur intrinsèque évidente, à savoir la distinction entre activité apostolique officielle et privée. La portée de chacun de ces termes - officielle et privée - est généralement considérée d'une manière excessive. L'Église est une société dotée de son propre gouvernement, et elle agit officiellement par le biais de ce gouvernement, de façon que les activités personnelles de ses membres ne puissent en aucun cas affecter la collectivité tout entière. C'est là que réside la distinction entre « officiel » et « privé » dans l'Eglise, comme dans toute autre société. Il serait manifestement erroné, cependant, de présumer que les activités privées n'ont aucun impact, influence ou effet sur la société et qu'elles ne sont que «privés» dans le plein sens du terme, en procédant exclusivement de l'individu qui en est le seul responsable. Imaginons un exemple concret. Une société créée pour lancer et coordonner des études sur un problème historique inexploré se manifeste uniquement à titre officiel par le biais de son conseil d'administration ou ses associés. Néanmoins, toutes les études effectuées par des membres de la société à la suite de l'élan et des moyens donnés par la société pour la réalisation de la recherche et avec l'intention d'atteindre ses objectifs sociétaires, sont des actes qui découlent de la société et doivent lui être crédités. La société peut donc à bon droit affirmer que les études menées en privé par ses membres dans le cadre de ses fins, sont des études menées par la société elle-même. La même chose arrive avec la Sainte Eglise. Cette dernière a sa propre autorité, la seule qui puisse agir d'une manière officielle. Mais il serait erroné de présumer que les actes d'apostolat recommandés ou autorisés expressément ou tacitement par l'Eglise, ou même approuvés uniquement « a posteriori » sont des actes purement individuels et que le mérite qui y est dû doive être crédité exclusivement à l'individu. C’est la sainte Mère l'Église qui a rendu l'individu capable de comprendre la noblesse surnaturelle de l'action apostolique, c'est l'Eglise qui lui a fourni la grâce sans laquelle il n'y a pas de vrai désir d'apostolat, c’est en conformité avec les désirs de l'Eglise qu'il a agi. En outre, c’est en tant que membre de l'Eglise qu'il a agi. Comment peut-on maintenir, alors, que l'action individuelle d'apostolat que nous appelons « privée » ne saurait en aucun cas engager la sainte Église ? Il serait alors nécessaire de corriger tous ou presque tous les traités d'histoire de l'Église qui attribuent à cette dernière le mérite – si mérité ! - de tous les hauts faits que les fidèles ont accompli tout au long de l'histoire. Quelles sont donc les limites précises de la distinction entre apostolat officiel et privé ? Elles restent immenses. L’apostolat officiel est réalisé par l'autorité ecclésiastique. Elle est directement responsable, par conséquent, pour tout ce qui se fait dans les tâches officielles. En effet, l'autorité ecclésiastique a la responsabilité morale de tout ce qu'elle ordonne. Dans les œuvres d'apostolat simplement autorisées ou recommandées, chaque fois que la direction des aspects exécutifs n'est pas effectuée par l'autorité ecclésiastique elle-même, elle recevra néanmoins le mérite pour tout bien qui est fait - c'était la seule chose qu'elle a permise - et les individus portent le blâme pour tout ce qui est mal fait ou qui est mauvais – ce qui n’était pas contenu ni dans les intentions, ni dans la permission de l'autorité ecclésiastique. L'Eglise, par exemple, désire et permet que nous donnions un bon conseil à notre voisin. Chaque fois que nous le faisons, une partie du mérite de notre action appartient à l'autorité. Si, toutefois, nous le faisons mal, en nous basant sur des doctrines entachées par l’erreur, ou sans la charité et la prudence nécessaires, l'autorité n'a pas de blâme pour cela, car la faute incombe entièrement à nous. (3) Encyclique Quanto Conficiamur Moerore, 10 août 18 (4) Constitution Dei Filius, emphase de l’auteur (5) Lettre Encyclique “Quod Multum” de Léon XIII aux Evêques de Hongrie, in Lettres Apostoliques de S. S. Léon XIII, T. II, Maison de la Bonne Presse, Paris, s.d. , p. 99. |