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Plinio Corrêa de Oliveira
Chapitre III
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Publié dans Catolicismo, São Paulo, Brésil, Avril 1959 (I et II), Janvier 1977 (III) Edité par la Société Française pour la Défense de la Tradition, de la Famile et de la Propriété - TFP 2, avenue de Lowendal 75007 PARIS Dépôt légal : 4ème trimestre 1997 ISBN: 2-901039-24-3 |
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La tendance de tant de nos contemporains, enfants de la Révolution, à aimer le présent sans restrictions, à adorer l'avenir et à vouer, inconditionnellement, le passé au mépris et à la haine, suscite à l'égard de la Contre-Révolution un ensemble d'incompréhensions qu'il importe de faire cesser. D'autant plus que bon nombre de personnes imaginent que son caractère traditionaliste et conservateur en fait un adversaire-né du progrès humain.
1. La Contre-Révolution est traditionaliste A. Raison La Contre-Révolution - nous l'avons déjà vu - est un effort qui se développe en fonction d'une Révolution. Celle-ci s'acharne constamment contre tout un legs d'institutions, de doctrines, de coutumes, de manières de voir, de sentir et de penser chrétiennes, reçues de nos ancêtres et qui ne sont pas encore entièrement abolies. La Contre-Révolution défend donc les traditions chrétiennes.
B. La mèche qui fume encore La Révolution se conduit à l'égard de la civilisation chrétienne plus ou moins comme un arbre de la forêt brésilienne, le figuier sauvage (urostigma olearia), à l'égard des autres. Ce figuier pousse sur leurs troncs ; il les recouvre entièrement et finit par les tuer. La Révolution, dans ses courants « modérés » et de petite vitesse, s'est rapprochée de la civilisation chrétienne pour l'envelopper complètement et la tuer. Aujourd'hui cet étrange phénomène de destruction n'est pas encore terminé. Autrement dit, nous sommes dans une situation hybride où ce que l'on pourrait appeler les restes mortels de la civilisation chrétienne, associé au parfum et à l'action ancienne de nombreuses traditions abolies dans un passé récent mais qui survivent dans la mémoire des hommes, coexiste avec de nombreuses institutions et coutumes révolutionnaires. En présence de cette lutte entre une magnifique tradition chrétienne qui vit encore et une action révolutionnaire inspirée par la manie des nouveautés dont parlait Léon XIII dans les premiers mots de l'encyclique Rerum Novarum, il est naturel que le véritable contre-révolutionnaire soit le défenseur-né du trésor des bonnes traditions, parce qu'étant les valeurs qui subsistent du passé chrétien ce sont elles qu'il faut précisément sauver. En cela le contre-révolutionnaire agit comme Notre Seigneur qui n'est pas venu éteindre la mèche qui fume encore, ni briser le roseau froissé (40). Il doit par conséquent chercher à sauver avec amour toutes ces traditions chrétiennes. Une action contre-révolutionnaire est, essentiellement, une action traditionaliste.
C. Faux traditionalisme L'esprit traditionaliste de la Contre-Révolution n'a rien de commun avec un traditionalisme faux et étroit, qui conserve certains rites, styles ou coutumes simplement par amour des formes anciennes et sans la moindre considération pour la doctrine qui les engendra. Cela serait de l'archéologie, et non un traditionalisme sain et vivant.
2. La Contre-Révolution est conservatrice La Contre-Révolution est-elle conservatrice ? En un sens, oui, et profondément. Dans un autre sens, non, aussi profondément. S'il s'agit de conserver du présent quelque chose de bon et qui mérite de vivre, la Contre-Révolution est conservatrice. Mais s'il s'agit de perpétuer la situation hybride dans laquelle nous nous trouvons, d'arrêter le processus révolutionnaire à cette étape, s'il s'agit de nous maintenir immobiles comme une statue de sel au bord du chemin de l'Histoire et du Temps, attachés à ce qu'il y a de bon et de mauvais dans notre siècle, et en recherchant une coexistence perpétuelle et harmonieuse entre le bien et le mal, la Contre-Révolution n'est pas, et ne peut être, conservatrice.
3. La Contre-Révolution est la condition essentielle du véritable progrès La Contre-Révolution est-elle progressiste ? Oui, si le progrès est authentique. Non, s'il est une marche vers la réalisation de l'utopie révolutionnaire. Sur le plan matériel le véritable progrès consiste en l'utilisation droite des forces de la nature, selon la Loi de Dieu et au service de l'homme. Aussi la Contre-Révolution ne pactise-t-elle pas avec le technicisme hypertrophié d'aujourd'hui, avec l'adoration des nouveautés, de la vitesse et des machines, ni avec la déplorable tendance à organiser la société humaine more mechanico. Ce sont là des excès condamnés par Pie XII avec profondeur et précision (41). Le progrès matériel d'un peuple n'est d'ailleurs pas l'élément capital du progrès compris chrétiennement. Celui-ci consiste surtout dans le plein développement de toutes les puissances de l'âme et dans l'ascension des hommes vers la perfection morale. Une conception contre-révolutionnaire du progrès suppose donc la prépondérance des aspects spirituels de celui-ci sur les aspects matériels. Par conséquent, il est propre à la Contre-Révolution de propager parmi les individus et les peuples une estime beaucoup plus grande pour tout ce qui se rapporte à la religion véritable, à la philosophie véritable, à l'art véritable et à la littérature véritable que pour ce qui concerne le bien du corps et l'utilisation de la matière. Enfin, pour marquer la différence entre les concepts révolutionnaire et contre-révolutionnaire du progrès, il importe de noter que le deuxième concept tient compte de ce que ce monde sera toujours une vallée de larmes et un passage vers le ciel, tandis que, pour le premier, le progrès doit faire de la terre un paradis où l'homme vivra heureux sans penser à l'éternité. La notion même de progrès authentique permet de voir que celui-ci a pour contraire le processus de la Révolution. Ainsi la Contre-Révolution est une condition essentielle pour assurer au véritable progrès son développement normal, et pour détruire l'utopie révolutionnaire qui n'a que des apparences fallacieuses de progrès. Notes : (40) Cf. Mt., 12, 20. (41) Cf. Message radiodiffusé de Noël 1957 - Discorsi e Radiomessaggi, vol XIX, p. 670.
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