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Plinio Corrêa de Oliveira
Noblesse et élites traditionnelles analogues dans les allocutions de Pie XII au Patriciat et à la Noblesse romaine
Préface de Georges Bordonove
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Pour faciliter la lecture, les références aux allocutions pontificales ont été simplifiées : est désigné d'abord le sigle correspondant (voir ci-dessous), puis l'année où l'allocution a été prononcée. PNR = Allocution au Patriciat et à la Noblesse romaine GNP = Allocution à la Garde noble pontificale Certains extraits des documents cités ont été soulignés en caractères gras par l'auteur. Titre original : Nobreza e elites tradicionais análogas nas Alocuções de Pio XII ao Patriciado e à Nobreza Romana (Editora Civilização, Lisboa, 1993). Traduit du portugais par Catherine Goyard 1ère édition française : Editions Albatros, 1993. Cet ouvrage a aussi été publié en italien (Marzorati Editore, Milan), en espagnol (Editorial Fernando III, Madrid) et en anglais (Hamilton Press, Lanham MD, USA).
PréfaceLe professeur Plinio Corrêa de Oliveira, éminent juriste, spécialiste d'histoire moderne et contemporaine, a dispensé son enseignement dans la prestigieuse université catholique de São Paulo. Ses ouvrages, ses articles socio-religieux et politiques lui ont valu une audience internationale. Catholique militant, il n’a cessé de défendre les valeurs traditionnelles, non pas au nom d'un passéisme stérile, mais de la foi authentique, ni de s'élever contre la tyrannie totalitaire quelles que fussent les formes qu'elle empruntât. Dans le présent essai il retrace le cheminement de la noblesse, plus généralement des élites ; il montre quel rôle éminent elle assuma à travers les âges, l'influence qu'elle exerça, concurremment avec l'Eglise ; il souligne les raisons de cette influence, dont notre époque ne renvoie qu’un écho assourdi, cependant encore perceptible. A partir de ce constat, il définit les obligations et les devoirs qui lui incombent, quand bien même les privilèges de diverses natures qu'elle détenait ont été abolis, et malgré la diminution, voire la disparition, de sa richesse. Il se réfère constamment dans sa démonstration aux allocutions adressées par le pape Pie XII au Patriciat et à la Noblesse romaine. Il tombe toutefois sous le sens que la pensée du Souverain Pontife revêt une portée universelle et concerne l'ensemble de ce qu'on peut appeler « patriciat ». Le professeur Corrêa de Oliveira analyse brillamment ces textes (que l'on retrouvera in fine dans leur intégralité) ; il les explicite, les assortit de commentaires et de réflexions personnelles, et en tire une argumentation bien structurée, où d’ailleurs perce le juriste. Il dépasse ensuite l’analyse pour cerner le rôle, ou la mission, qui peut être dévolu au patriciat dans le monde présent et futur. Le professeur Corrêa de Oliveira se classe parmi les esprits clairvoyants qui perçoivent, avec une acuité presque douloureuse, la métamorphose qui s’opère dans la société actuelle et dont on ne sait quel visage elle adoptera. Il craint, non sans justes motifs, que l'effet combiné d'un progrès galopant et d'un égalitarisme pris à contre sens n’occulte finalement l'individu dans un monstrueux nivellement. Et c’est sous cet angle qu’avec Pie XII il situe la mission du patriciat pris dans son sens le plus large, à moins que celui-ci ne préfère se saborder lui-même et disparaître. En d'autres termes, il invite les élites à ne pas s’attarder dans les regrets de grandeurs évanouies, à ne pas s’exclure de la société, mais à entrer résolument dans la vie active, à mettre leurs talents, leur héritage d'expérience, leurs traditions familiales et jusqu'à leur façon d'être au service de la société et dans la seule préoccupation du bien commun. « La tradition, écrit-il citant Pie XII, est chose très différente du simple attachement à un passé disparu : elle est tout l'opposé d’une réaction qui se méfie de tout sage progrès. Son nom lui-même, étymologiquement, est synonyme de cheminement et de marche en avant—synonymie, non identité. En effet, tandis que le mot progrès indique seulement le fait d’aller en avant, un pas devant autre, en cherchant du regard un avenir incertain, la tradition signifie aussi une marche en avant mais une marche continue qui se déroule en même temps avec tranquillité et vigueur, selon les lois de la vie [...] Non, il ne s’agit pas de ramer à contre-courant, de retourner vers les formes de vie et d’action des âges disparus, mais bien, en prenant et en suivant ce que le passé a de meilleur, d’avancer à la rencontre de l'avenir avec la vigueur immuable de la jeunesse. » Le professeur Corrêa de Oliveira assigne donc, très précisément, aux élites la mission de garder et de promouvoir celles des valeurs traditionnelles susceptibles d'harmoniser le monde de demain, en particulier les valeurs religieuses sans lesquelles la créature humaine n'est plus qu'un robot et le peuple devient « la masse ». On pourrait peut-être dire qu'il songe parfois à quelque Etat idéal, à quelque Jérusalem terrestre, à l'imitation du grand saint Louis. Il n'en reste pas moins que cet ouvrage est en tous points remarquable, notamment par l'abondance et l'exactitude rigoureuse de la documentation, par la culture universelle de l'auteur, par la solidité de l'argumentation et par la transparence de la pensée. Mais on appréciera aussi l'effort de prospective, lorsque le professeur Corrêa de Oliveira aborde l’avenir du monde actuel. Tout ce qui touche de près ou de loin aux élites tirera profit de cet essai. Il propose un itinéraire ; il pose les premiers jalons du chemin à suivre. Est-ce ici l'annonce de ce XXIe siècle qui, a-t-on dit, sera mystique ou ne sera pas ? Georges Bordonove |